L’histoire de l’Empire du Milieu, comme celle de bien d’autres nations, est tissée d’autant de règnes de plénitude, caractérisés par la paix, l’ordre et l’abondance, que de périodes chaotiques marquées par les guerres, les rébellions, les famines et la pauvreté. Le roman de Jean Levi, Le rêve de Confucius, raconte une de ces périodes sanglantes : celle des années qui conduisirent à la chute des Ts’in et à l’avènement de la dynastie des Han.
Foisonnant de personnages dont les noms chinois ont été traduits en français ‘ ce qui aide tout de même à ne pas s’y perdre ‘, cette saga historique met en scène l’ascension des deux principaux chefs rebelles, Taillefer (Lieou Pang) et Plumet (Hsiang Yu), leur association pour vaincre le fils du fondateur des Ts’in, et l’affrontement final pour l’obtention du trône de l’Empire céleste et la constitution d’une nouvelle dynastie. Autour de chacun de ces deux chefs gravite une foule de partisans, d’épouses, de concubines, d’amis, d’ennemis, de lettrés et de conseillers tour à tour traîtres et trahis, assassins et assassinés, vainqueurs et vaincus.
Sinologue, spécialiste du taoïsme et du confucianisme, Jean Levi a choisi de transmettre sous forme romanesque cette période charnière de l’histoire chinoise en réponse à une question : « Eh oui, pourquoi a-t-il gagné, lui plutôt qu’un de ses rivaux ? » Car des deux chefs rebelles, le futur fondateur des Han perd toutes les batailles qu’il livre, ne fait montre d’aucune bonté ni cynisme particulier et ne possède aucun talent remarquable. Quel curieux destin ! Et qui dit destin, en Chine, dit Yi King ou Livre des mutations. C’est donc aux figures divinatoires, aux hexagrammes du Yi King , que l’auteur fait correspondre comme en écho chacun des chapitres du roman.
Le résultat ? Une saga historique certes fort bien documentée et présentée sous une forme attrayante. Peut-être aurait-il fallu toutefois présenter la liste des personnages et la carte de l’Empire chinois sous les Ts’in d’entrée de jeu plutôt qu’en annexe ? Peut-être aussi faudrait-il d’abord lire la postface de Jean Levi pour faciliter une lecture parfois ardue tant pour les néophytes que pour les lecteurs plus familiers avec la culture chinoise ?