Recueil de nouvelles, Le repaire des solitudes en compte 29, autant d’historiettes brèves, nerveuses, un brin décadentes, fortement déjantées. Première parution du mi-trentenaire et polyvalent Danny Émond, qui est aussi – ou plutôt a été, semble-t-il – claviériste et parolier du groupe métal de Lévis Blinded by Faith, avec lequel il aurait enregistré trois disques et un DVD.
Parfois la nouvelle est écrite à la première personne, parfois il y a un narrateur, parfois il s’agit d’un homme, d’un enfant, d’un vieillard ou encore d’une femme. Le trait commun des protagonistes est leur profil psychosocial de perdants et de perdus. Ils sont seuls, terriblement seuls, comme l’indique le titre du livre. L’égocentrisme et l’individualisme de ces asociaux s’allient à leur peur de vivre. Ils végètent, enfermés dans leur nuit intérieure. Pour eux, demain n’est pas un jour nouveau, encore moins la promesse d’un jour meilleur.
Ces laissés-pour-compte sont fragiles, égarés dans leur propre vie, en quête d’on ne sait trop quoi. D’aucuns cherchent encore et revendiquent leur droit à une relative sérénité : « Je n’ai pas encore renoncé à la poursuite du bonheur ». D’autres ont déjà abdiqué : « Je rêvais d’être n’importe qui. Sauf moi » ; « Il est sorti avec l’intention de se jeter dans le fleuve ».
Certains antihéros sont étudiants, enfin, inscrits à l’université : « Nos prêts et bourses, on les flambait dès qu’on les recevait et on n’assistait plus à nos cours ». Ils sont lucides : « Des mollusques : voilà ce qu’on est. Notre conscience [est] réduite au strict minimum ». Et puis, ils baisent souvent, plus ou moins bien, à bouche que veux-tu : « C’est sa poitrine surdéveloppée qui entre d’abord dans mon champ de vision » ; « Elle s’occupe de ma queue comme s’il n’existait rien de plus important dans l’univers ».
Il y a Maurice, un bébé-boumeur né en 1945 qui revient dans plusieurs nouvelles. Un triste sire, mâle blanc paumé, hétérosexuel et catholique halluciné. Est-ce une image d’une figure paternelle ? Côté maternel, ce n’est guère mieux. Elles sont aussi perdantes, les génitrices, quoique résilientes : « Sa mère qui s’est tuée à l’ouvrage pour des gens qu’elle méprise » ; « Sa mère n’a rien compris, une fois de plus, n’a rien deviné, n’a pas cherché à savoir ».
Nouvelles dégoulinantes d’angoisse, faites de viols, de suicides, d’asiles psychiatriques. À découvrir, par contre, car bien écrites, mais l’espoir n’est guère au rendez-vous. Le poète Baudelaire, cher à Émond, écrivait : « Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle […] et que de l’horizon […] il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ».