Des personnages singuliers, comme nous en sommes tous en quelque sorte, un psychanalyste à l’attention flottante, avec ses « Oui ? » et ses « Mmm », une auteure qui découpe son texte en un chassé-croisé de récits qui pourraient presque se lire comme des nouvelles… bref, Le psychanalyste, troisième tome d’une trilogie, est un livre un peu long mais étonnant. Ce que Leslie Kaplan arrive à rendre, dans cet assemblage peu commun de textes, c’est l’unicité des êtres. Par petites touches, comme des séances d’analyse bien ponctuées, elle nous donne à lire des tranches de vie qui, comme dans une psychanalyse ou un photomontage, nous montrent les personnages sous différents aspects. Passablement différents, Eva, Josée, Louise, Jérémie, Édouard et les autres, pourtant, se ressemblent. Ils cherchent tous, chacun à sa manière, à vivre avec leurs contradictions et à atteindre cette part de soi qui peut prendre les commandes et se diriger du côté de la vie.
On nous dit, dans ce roman qui n’en a pas vraiment la forme, que la psychanalyse est « de la pensée, rigoureuse, dont l’objet ne se définit pas à travers une distinction entre des catégories déjà fixées, entre normal et pathologique, entre santé et maladie, mais qui est l’inconscient d’un sujet unique que le psychanalyste cherche à rencontrer, dont l’enjeu de travail n’est pas la connaissance d’un cas, mais le rapport d’un sujet à sa vérité ». Voilà une belle description de la psychanalyse, que l’on décrie pourtant si souvent. Si le pari de Leslie Kaplan était de montrer ce rapport de forces, car c’en est bien un — avec son cortège d’angoisses, de rêves et de défenses —, elle l’a gagné ! Ce livre, à mi-chemin entre nouvelles et roman, dépasse lui aussi les catégories déjà fixées.