Il suffit de quelques pages pour que se transforme et même s’inverse la description de tâche du redoutable et tutélaire Cavanaugh. Son métier de docteur ès armes et astuces, il l’avait pourtant appris à la dure, là où s’endurcit l’élite des services spéciaux. De retour à la vie civile, quel meilleur recyclage choisir que celui d’une entreprise vouée à la sécurité des bien nantis ? Cavanaugh mettait donc à l’abri les personnes en quête d’une nouvelle identité, ne refusant son aide qu’à quelques rares catégories de bourreaux d’enfants ou de trafiquants de drogue. Cavanaugh, en effet, se pique d’être un protecteur, non un juge. D’ici peu, pense-t-il, il pourra même envisager une confortable retraite avec la femme qu’il aime et qui lui offre le calme.
Le roman bouleverse cette logique. L’intrigue effervescente que propose David Morrell réduit le protecteur Cavanaugh à l’état de cible cruellement dépouillée des ressources promises par les Global Protective Services. Non seulement Cavanaugh n’a plus de trucs ou d’esquives en réserve, mais il fait face à des adversaires suprêmement efficaces et même, ironie cruelle, à un « client » qui déchaîne contre son protecteur les leçons que celui-ci lui a trop bien enseignées. La traque s’effectue désormais aux dépens de celui qui faisait commerce de la sécurité.
Comment réussir une telle volte-face ? Très simple, estime Morrell. Il suffit qu’un chimiste invente la substance capable de réveiller, même chez les plus aguerris, les craintes qu’ils croyaient avoir enfouies à jamais. Cavanaugh, au moment où ses réflexes lui obéissaient comme autant de machines fiables, ne revendiquait pas le courage. « Je ne suis pas courageux, mais conditionné », disait-il avec justesse et humilité. Si un produit chimique attaque ce conditionnement, que devient le protecteur ? L’action est menée à un rythme si trépidant qu’on risque de perdre de vue l’enjeu auquel s’intéressent sans doute tous les conquérants du monde.