Jean-Pierre Guay, égotiste impénitent, oscille depuis bientôt vingt-cinq ans entre la transformation de sa vie en littérature et l’emprunt de genres moins autobiographiques, surtout roman et poèmes. On découvre cependant dans ses fictions une prégnance particulière de l’expérience subjectivite. Du même auteur que Le journal , voici donc la suite de La poésie .
Le premier poisson rouge se divise en deux parties relativement égales, la première constituée de petits poèmes en prose avec titres et l’autre de vers sans titres. La première section semble d’abord très imprégnée de rimbaldisme, à cause du regard très proche des Illuminations : au détour d’une rue, d’une forêt, la perception s’égrène en images et en riches ambiguïtés, se postant aux sources de l’inattendu. Ici la mélancolie et le dégoût des hommes dirigent la création, mais sans lyrisme, ce qui donne lieu à un onirisme objectif ponctué de sentences irrationnelles, souvent efficaces : « Puis, voici le moment de dessiner la lune. Aucune valise. Pas même un short pour faire moins simple. Les voyages filent autour de moi, petits deuils libellulaires. »
La seconde section fait vaguement figure de « saison en enfer », cette autre œuvre de Rimbaud étant même invoquée implicitement : « j’ai mis l’éternité sur mes cuisses nues / et je lui ai tordu le cou ». Plus prosaïque que la section en prose, celle-ci semble habitée par des relents de narration, répondant par moments aux pages précédentes mais frisant quelquefois le verbiage.
Mécontent, peuplé de nausées, celui qui parle sait cependant caresser les mots, les bourrer dans le livre comme une bonne pipe de tabac brun, à savourer lentement. Il est bien sûr problématique de séparer cet opus des œuvres autobiographiques de Jean-Pierre Guay, étant donné la place centrale qu’il a donnée à ces dernières, mais ce recueil passe assez bien le test de l’autonomie en donnant à voir avec concision, à travers une certaine audace. Pointant vers un mysticisme païen, ce parcours demandera certainement à être réévalué en cours de route, à l’aune de ses propres métamorphoses.