L’auteur du Choc amoureux , qui a fait mouche plus d’une fois dans la psycho-littérature populaire, récidive : après avoir exploré les thèmes de la morale, de l’envie, de l’amitié, de l’amour adulte et de l’érotisme, le psychosociologue italien se penche sur l’énamourement enfantin et adolescent.
Francesco Alberoni nous apprend qu’à chaque âge de la vie, dès le jardin d’enfance, correspond un émoi bien particulier qui n’est nullement assimilable à de l’amitié, mais plutôt porteur des vertus et fonctions de l’amour. En effet, lorsqu’un bambin s’éprend d’un autre jeune enfant, il se détache du rassurant cocon familial pour se tourner vers les promesses de l’univers extérieur. Il pactise avec autrui dans un engagement de continuité et surtout de fidélité que la simple amitié ne permet pas de découvrir : on peut être l’ami de tous, mais on est l’amoureux d’une seule personne. Dans l’émotion passionnelle portée à son paroxysme, l’enfant mesure la gravité et l’importance de l’élaboration de projets de vie communs avec l’autre, ce qui lui permet du même coup de se socialiser un peu plus. Il ébauche des mécanismes de protection du moi salvateurs : ils s’expriment à travers la timidité et la jalousie, sensations inhibantes à première vue, mais qui gardent intactes l’estime et l’image de soi. Enfin, la formation de l’identité personnelle s’effectue par la nécessité de se définir par rapport à cet autre aimé ; l’enfant peut être seul à aimer, égoïstement à sens unique, sans rien recevoir certes, mais aussi sans donner (contrairement à la relation amicale où l’échange est synergique), ce qui lui apporte le plaisir narcissique de découvrir son propre imaginaire.
Francesco Alberoni présente des idées intéressantes et de ravissants récits, mais sous une forme anti-académique quelque peu déroutante : des conversations informelles avec une éducatrice et une professeure accompagnées de commentaires de Mme Alberoni, le tout pimenté de quelques graphiques, tableaux et histogrammes. On peut aimer. Ou pas.