Dans les essais sur la poésie, on s’intéresse souvent au poème lui-même, à sa mécanique interne, en le mettant parfois en parallèle avec d’autres textes plus ou moins proches sémantiquement ou formellement ou complètement opposés pour en faire surgir la particularité. Peu, en effet, se sont arrêtés à la structure propre du recueil et à son contexte éditorial. Le poème fait partie d’un tout. Sa place parmi les autres n’est pas fortuite, elle a un sens, qui influence le reste, même dans le cas d’une anthologie.
C’est dans cette perspective que se situe la réflexion de François Dumont, poète, essayiste et professeur à l’Université Laval. Il analyse ainsi les ouvrages de cinq poètes québécois chez qui « l’écriture du recueil constitue [ ] une part importante de la poétique » : Les solitudes d’Hector de Saint-Denys Garneau, L’homme rapaillé de Gaston Miron, Poèmes des quatre côtés de Jacques Brault, Le sens du soleil de Pierre Nepveu et toute l’œuvre de Roland Giguère. À cette étude s’ajoute un chapitre sur les formes et fonctions de l’anthologie de langue française.
L’ouvrage de François Dumont a nombre de qualités ; en plus de s’adresser au lecteur dans une langue accessible et claire ‘ « je souhaite, écrit-il, que ce livre soit une invitation à la lecture pour toute personne qui, dubitative devant des poèmes, désire continuer sa découverte » ‘ il sort des sentiers habituels dans l’interprétation de textes canoniques. Il est vrai, et cet essai en est la preuve, que l’on ne peut parler de Miron sans effleurer la question nationale, comme on ne peut passer sous silence la quête d’une libération par le langage chez Giguère, mais l’attention de Dumont se porte, et nous amène, vers ce récit de soi et des autres (ou du pays) dans lequel s’inscrit le recueil. Comment, pour le poète, cet épisode du récit s’est-il construit ? A-t-il été seul à lui donner sens ? Dans le cas de Saint-Denys Garneau et de ses Solitudes, par exemple, ce sont d’anciens compagnons, après sa mort, qui ont décidé des poèmes à publier et de leur ordre ; par le fait même, ils ont choisi de donner une tournure tragique à l’« histoire » que constitue l’œuvre complète.
On souhaite que cette exploration se continue. Les recueils d’autres poètes, peut-être moins « classiques » ou institutionnalisés, mériteraient un même éclairage.