Il y a des auteurs dont j’attends toujours impatiemment un livre. Antonio Tabucchi est de ceux-là. Il faut croire qu’en France aussi on le réclamait. C’est l’unique raison que je trouve à la traduction du Petit navire : devant l’absence de pain frais, Christian Bourgois aurait publié un roman de jeunesse, hélas pas du tout à la hauteur de l’œuvre.
Le petit navire est le deuxième roman de Tabucchi ; publié pour la première fois en 1978 il n’a pas été réimprimé en Italie. À propos de ce livre, l’auteur écrit : « Je crois que, comme une plante qui a trop hâte de pousser, une histoire qui a trop envie d’être écrite produit un feuillage trop exubérant, des rameaux souvent désordonnés qui perturbent l’économie de son équilibre. » Je lui donne raison : j’ai mis des semaines à me frayer un chemin dans cette jungle. Pourtant, l’idée de départ (le hic, c’est que c’est une idée) est intéressante : comment témoigner de la vie d’un homme, le Capitano Sesto, en prenant pour point de départ le milieu de sa vie, puis rebrousser chemin jusqu’avant sa naissance et démontrer comment les événements politiques ont façonné son destin ; comment Cesto grandit dans l’Histoire et porte son poids sur ses épaules anonymes. Belle idée, mais traduite avec trop d’insistance : certains passages semblent soulignés de rouge à l’intention du lecteur.
Si, comme l’écrit Antonio Tabucchi, ce livre est essentiel à l’élaboration de son œuvre, sa publication ne l’est pas. Cependant, rien n’empêche de lire ce qu’il a écrit de meilleur, Requiem ou Petits malentendus sans importance (chez Christian Bourgois et en 10/18). Le Tabucchi délivré de l’envie de vouloir écrire, celui-là, je l’attends toujours.