Peu de carrières ont été aussi intimement liées au Parti québécois et à son premier chef que celle d’André Larocque. Il fut des premières impatiences comme des années de pouvoir et de flottement. Son admiration pour René Lévesque ne s’affadit jamais, mais il prouva à plusieurs reprises qu’il préférait l’esprit critique au ton du courtisan. Le témoignage de Larocque est de ceux qui, tout en provenant du sérail, se laisse traverser par le vent du large.
Le récit emprunte à divers genres littéraires qui ne se marient pas toujours aisément. Certaines pages appartiennent à la meilleure analyse politique, tandis que d’autres s’attardent aux détails. Telle anecdote se justifie parce que révélatrice ; d’autres provoquent le sourire sans apporter d’éclairage. L’anecdote comporte aussi l’inconvénient de faire appel à la tradition orale dans ce qu’elle a de plus incertain. Sur ce terrain, les souvenirs d’André Larocque divergent souvent des miens, ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas raison contre moi. Ainsi, je rattache Yves Michaud au Clairon maskoutain et Larocque le voit au Canada français ; ainsi, Larocque loge Jean-Paul L’Allier au ministère de la Fonction publique dès l’élection de 1970, alors qu’il fut d’abord aux Communications ; ainsi, le restaurant Biarritz occupe le premier rang parmi les abreuvoirs politiciens, alors que le Chalet suisse (alias L’Aquarium) me paraissait plus fréquenté.
Cela dit, le livre d’André Larocque mérite tous les éloges pour avoir réaffirmé avec clarté et vigueur le credo de René Lévesque. Pour celui-ci, la démocratie importait plus que la souveraineté. Certes, il voulait l’indépendance, mais comme un moyen, non comme une fin. En cela, son propre parti le déçut. Logiquement, à partir de cette conviction, Lévesque souhaitait la mise en place d’un mode de scrutin à la proportionnelle. Encore là, la machine péquiste n’endossait pas les perspectives de son fondateur. Rappels importants.