Il est des aventures qui durent le temps d’une fleur : elles naissent, grandissent, inspirent, se fanent et meurent. Ainsi en est-il du Parti acadien, né dans la mouvance de la génération lyrique et disparu lors de la crise économique des années 1980. Entre les deux, l’espoir.
Dans cet essai issu de sa thèse de doctorat soutenue en 2012, Michael Poplyansky relate le parcours du Parti acadien de sa création à Bathurst en 1972 à sa disparition en 1982. Une décennie durant laquelle les militants imaginent tour à tour l’annexion de l’Acadie au Québec, puis la création d’une province acadienne avant de se rendre compte que les réformes proposées par le gouvernement conservateur de Richard Hatfield étaient jugées suffisantes par l’immense majorité des Acadiens et que par conséquent, le Parti avait perdu sa pertinence.
Écrit à l’époque où Poplyansky était professeur à l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse, cet essai très bien documenté trace un portrait vivant de l’époque et de l’utopie qui a animé les années 1970. Divisé en quatre parties, l’ouvrage aborde les origines idéologiques du Parti acadien (les années 1960), les premières années marquées par la confrontation entre les nationalistes et les socialistes (1972-1977), la période nationaliste (1977-1980) et ce que l’auteur appelle « la disparition tranquille » (1980-1982).
Cette histoire est aussi celle du nationalisme acadien, de sa naissance lors des grandes conventions de la fin du XIXe siècle qui ont donné à l’Acadie ses symboles (hymne national, drapeau et fête nationale) à l’époque contemporaine, alors que les Acadiens ont, à défaut d’un État, un statut politique au Nouveau-Brunswick qui leur permet d’affirmer leur originalité et leurs valeurs.
La quête de l’autonomie guide la démarche du Parti acadien. Dans un premier temps, les militants cherchent à se distinguer de l’élite traditionnelle en mettant de l’avant un programme fortement influencé par la frange marxiste tout en participant à la mouvance nationaliste qui émerge durant les années 1960 et 1970. Les marxistes ayant quitté le Parti, les membres s’inscrivent dans le courant néonationaliste et suivent de près l’évolution du Parti québécois, celle des autonomistes jurassiens et bien d’autres, tout en s’interrogeant sur l’ethnicité acadienne : qui est acadien ? Les descendants de la Déportation ou tous les francophones du Nouveau-Brunswick ? La question ne sera jamais résolue au sein du Parti, même si l’on souhaitait l’ouverture.
C’est donc toute une époque dont rend compte cet essai. S’il n’a jamais fait élire un député et n’a jamais attiré qu’un faible pourcentage de la population, le Parti acadien a fortement contribué par son action au cheminement de la pensée politique et sociale en Acadie. Un essai qui comble un manque dans la connaissance qu’on avait de cette période.