L’histoire se déroule il y a deux siècles, à l’époque où les temples vietnamiens n’acceptaient que les hommes pour l’ordination monastique. La jeune Kinh, qui désire plus que tout au monde se consacrer à l’enseignement du Bouddha, cache son identité féminine pour vivre au monastère. Un jour, une femme accuse Kinh d’être le père de son enfant. La jeune novice fait face à un cruel dilemme : prouver son innocence en dévoilant sa véritable identité, ou subir de violentes réprimandes.
Un conte qui traite de compassion, d’amour, de courage, de cruauté, de patience. Plus qu’une leçon féministe, plutôt une vision humaniste, vaste et sereine, et sans affectation, sans distinction non plus entre le « moi » et « eux ». Le lecteur familier avec les traditions populaires asiatiques verra dans le personnage de Kinh Tam une émanation, dirions-nous, du célèbre Avalokiteshvara bouddhique, connu en Chine sous le nom de Guan Yin, au Japon sous le nom de Kannon et au Vietnam sous le nom de Quan Âm. Cet être noble et archétypal qui « écoute attentivement les pleurs du monde », symbole d’amour et de compréhension.
Les contes comme ça font du bien, il faut le dire. Et le livre semble d’autant plus pertinent quand on connaît un peu l’auteur. Son combat sans relâche pour la paix dans le monde, entamé pendant la guerre du Vietnam, lui a valu d’être proposé par Martin Luther King pour le prix Nobel de la paix dans les années 1960. Depuis, il écrit abondamment (on compte des dizaines d’ouvrages) et enseigne un peu partout, notamment au Village des Pruniers, qu’il a fondé en Dordogne. Son approche non sectaire et éminemment pragmatique (des conseils applicables au quotidien par tout un chacun) a fait de Thich Nhat Hanh l’un des maîtres bouddhistes les plus appréciés en Occident. On peut s’en rendre compte dans les dernières pages de ce petit livre, particulièrement touchantes. On croyait avoir affaire à un conte un peu facile, mais quand on lit ce témoignage en annexe, on a soudainement envie de relire Le novice.
Comme lecture complémentaire, on suggérera du même auteur L’esprit d’amour (Pocket, 2007), émouvant mélange de récit et d’enseignement, qui traite entre autres de « la présence sensuelle au monde, du détachement des notions et des dogmes, de l’interrelation profonde entre toutes choses ». Encore et surtout, on conseillera Sur les traces de Siddharta (Pocket, 1998), qui nous semble être la meilleure biographie qui soit du Bouddha, débarrassée des enjolivures de la légende. Thich Nhat Hanh, érudit, y utilise des sources palies, sanscrites et chinoises pour restituer un roman historique plein d’une rare humanité.