L’originalité du roman de Stewart O’Nan, c’est que, contrairement à la plupart des écrivains qui ont écrit sur la guerre du Vietnam, son auteur est trop jeune pour avoir participé à la guerre et ne peut donc pas puiser dans ses souvenirs personnels. En outre, la construction du récit en montage alterné (une approche décidément très courante dans le roman anglo-saxon) nous entraîne sur deux fronts, en quelque sorte : celui de la guerre, à travers les souvenirs du héros, Larry Markham, et celui de l’Amérique d’après-guerre, où les vétérans désabusés tentent tant bien que de mal de guérir leurs blessures tant physiques que psychologiques et morales. Cette partie, qui est traitée comme un thriller (un psychopathe — un vétéran plus fou que les autres — veut s’en prendre à Larry et à sa famille), est d’ailleurs la partie la plus faible de ce récit puissant qui « fleure » le napalm et la jungle vietnamienne.
Larry était membre du corps médical ; il est le seul de sa section à avoir survécu. Notant ses souvenirs, il fait défiler dans sa tête ses anciens camarades, tous morts au combat. Larry se revoit là avec eux, tentant de réconforter les blessés, réparant tant bien que mal les dégâts causés par les balles, les mines ou les éclats d’obus, attendant l’arrivée des hélicoptères. Il y a des scènes atroces (la bataille de Hamburger Hill, entre autres), décrites de façon clinique, sans atténuation. De retour aux États-Unis, Larry éprouve de réels problèmes de réadaptation. Livreur de pâtisseries, il se rend régulièrement à l’hôpital visiter un groupe de vétérans complètement déjantés. C’est l’un d’eux qui va traquer Larry, provoquant un suspense somme toute un peu longuet. Le reste est magistral.
Un mot sur la traduction… Le roman du Vietnam a son jargon propre et bon nombre de titres, dont Le nom des morts, offrent à la fin un glossaire des termes militaires, des acronymes et autres codes employés par les combattants. Traduire ça en français relève de l’exploit pur et simple, non réussi ici. Attendez-vous à grincer des dents ! Il y a des passages pénibles…