Comme son titre l’indique, l’ouvrage d’Olga Hazan enlève toute crédibilité à la notion de progrès artistique. L’historienne de l’art s’inscrit en faux contre la tradition selon laquelle l’art aurait évolué, connaissant progrès et déclins. À travers l’étude d’ouvrages généraux (des survols historiques comme Histoire de l’art d’Ernst Gombrich) et de monographies sur l’art, l’auteure démonte les mécanismes qui permettent aux historiens de soutenir la théorie d’une évolution linéaire de l’art.
En analysant le recours systématique des historiens de l’art à la mimésis (l’art reflète le monde visible), leurs jugements de valeur et l’utilisation qu’ils font des notions d’évolution, de progrès et de déclin, Olga Hazan en arrive à remettre en question leur rôle et leurs méthodes. La notion de progrès, qui s’est développée au contact des théories darwiniennes de l’évolution, a permis au champ de recherche qu’est l’histoire de l’art de se doter d’un vernis objectif, scientifique, qui, selon l’essayiste, agit encore aujourd’hui comme moyen de légitimer la discipline. Mais l’évolution linéaire dont fait état l’ouvrage de Gombrich, pour ne nommer que le plus connu, s’obtient au prix d’une sélection occidentalo-centriste à outrance et de choix esthétiques subjectifs. Olga Hazan demande que l’histoire de l’art abandonne le jugement des œuvres (telle technique utilisée dans une œuvre est-elle plus « avancée » que telle autre ?) pour s’intéresser à leur interprétation (quel rôle cette technique joue-t-elle dans la composition de l’œuvre ?) et propose à cet effet un modèle d’analyse.
Le mythe du progrès artistique est un ouvrage fortement documenté qui réussit facilement à convaincre du bien-fondé de la thèse de l’auteure ; à tel point d’ailleurs que certains passages (en particulier dans les parties portant sur les survols historiques et les monographies) deviennent lassants pour le lecteur par la surabondance des exemples qu’ils donnent. Cette réserve exprimée, cet essai mérite de devenir un outil indispensable à toute recherche en histoire de l’art. Il ne faudrait cependant pas s’arrêter là. Car Le mythe du progrès artistique peut servir de modèle théorique en histoire de la littérature ou de la musique, deux disciplines dont les spécialistes ne tiennent pas toujours la notion de progrès comme un mythe.