Peut-on « voir » les épaves du Québec ? Plusieurs de celles-ci gisent dans l’estuaire du fleuve et jusqu’à la Côte-Nord, à des profondeurs diverses. À la manière d’une encyclopédie sous-marine, le livre révèle, images à l’appui, chacun de ces vingt fantômes des mers.
Lui-même plongeur, photographe sous-marin et archiviste, Samuel Côté a non seulement parcouru, mais a surtout contribué à l’identification d’une douzaine d’épaves submergées depuis un siècle ou deux. Bien que l’intérêt de répertorier l’ensemble des épaves du Saint-Laurent semble évident, rappelons que ce qui justifierait cette fascination (non unanime) se trouverait dans les nombreuses traces d’une autre époque, immobilisées par le temps et par l’eau, un peu comme des capsules témoins. Pour employer une métaphore, ces morceaux d’histoire s’apparenteraient presque à ces mammouths que l’on sort intacts des glaces après des milliers d’années. Le Saint-Laurent serait, en raison de ses épaves englouties, comme « le plus grand musée du Québec ». La plus célèbre d’entre toutes est le fameux Empress of Ireland, qui a coulé en 1914 en faisant 1 012 victimes ; le plus ancien bateau à avoir été repéré au fond du fleuve serait le navire Elizabeth and Mary, qui gît près de la Côte-Nord depuis 1690. Certaines de ces épaves – comme le cargo Frederika Lensen – avaient été touchées par des torpilleurs allemands en 1942.
Chacune des sections fournit un tableau précis de chaque naufrage ; ainsi, pour la goélette Lina Gagné – l’une des rares embarcations à ne pas avoir un nom anglais –, on donne l’année de son lancement (1920), ses dimensions, la date de l’enlisement (1938) et le moment de son identification (2013). Beaucoup de ces redécouvertes sont relativement récentes. Un petit paragraphe décrit dans chaque cas les circonstances de l’accident ou du naufrage et quelques photos d’époque montrent d’abord le bateau en mer et ensuite au fond du fleuve. Souvent inédites et provenant de multiples sources, les illustrations sont particulièrement réussies et saisissantes, souvent en couleurs (sauf pour certaines photographies anciennes). C’est le point fort de ce livre. Cependant, les légendes explicatives montrant les vestiges du Metridia sont laconiques et les cartes des dernières pages paraissent imprécises ou trop schématiques. La dernière section regroupe des écrasements d’avions – un Cessna, un hydravion – dans le Saint-Laurent, avec pour chaque cas un article d’un journal local mentionnant l’accident. Le commentaire signale que la plupart de ces avions militaires n’ont jamais été localisés. On lit Le monde des épaves au Québec avec délectation, surtout si on a en soi la fibre d’un explorateur ou d’un aventurier ; les lecteurs adolescents à la recherche d’une vocation pourront tout autant apprécier ce livre qui montre le fonctionnement des nouveaux sondeurs sous-marins.