Ce livre a été publié en 1997, à New York, sous le titre The Ordinary Seaman ; c’est le deuxième roman d’un auteur américain de Boston. En 1982 Francisco Goldman, feuilletant le Daily News, s’arrête sur l’histoire de 17 marins latino-américains abandonnés dans la zone portuaire de Brooklyn. Le bateau est enregistré sous un pavillon de complaisance du Panama et le capitaine Elias et son second y passeront de moins en moins souvent avant de disparaître ; l’armateur restera inconnu, les rats déserteront la place quand arrivera le froid. L’histoire occupe l’esprit de Francisco Goldman pendant plusieurs années. En 1995, l’auteur se plonge enfin dans la rédaction d’un roman dont elle constitue la trame de fond, la fiction y ajoutant des détails romanesques. L’existence de tels bateaux battant pavillon panaméen est connue au Canada ; le drame de fugitifs dont les corps sont balancés à la mer ou qu’on trouve morts dans des containers déchargés au port de Montréal aussi. Ces faits tragiques passent au téléjournal du soir ; le lendemain, on n’y pense plus. Avec Le matelot, on suit Esteban du Nicaragua, enrôlé pendant quatre ans dans les bataillons sandinistes, échoué sur l’Urus à titre de matelot, alors que l’équipage, sans contrat d’engagement, sans salaire, travaille sans succès à remettre le bateau en état de prendre la mer. Ni électricité ni sanitaires à bord, pour nourriture, des sardines en boîte et du riz avarié ; Esteban sort la nuit pour voler de la nourriture, se trouver une amie, qui ne pourra effacer l’image de Marta morte à la guerre, se trouver un travail de nuit mal rémunéré et revenir le jour dormir dans une cabine du bateau. On apprend la composition de l’équipage, les surnoms que les membres se donnent ; ils évoquent les souvenirs de femmes qui les habitent, l’argent qu’ils ne recevront jamais ; ils reniflent des solvants, la crasse s’accumule, le bateau continue de rouiller, mais la solidanté les unit malgré tout. Des va-et-vient dans le temps découpent subitement l’histoire en tranches qu’il faut ordonner, qui font passer le lecteur de situations dramatiques à des moments d’humour ou d’ironie cynique, du désespoir ou de l’indifférence à la tendresse, de la guerre au Nicaragua à ce bateau qui ne quittera jamais New York. C’est un très bon roman. Si l’on prend le temps de le lire, en anglais ou en français, il rend réel, presque palpable, un état de fait connu et déroutant !
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