Voilà un petit livre formidable qui risque, hélas, de ne pas faire beaucoup parler de lui, puisque l’éditeur romain Portaparole n’est guère distribué de ce côté-ci de l’Atlantique. Contrairement au couvre-chef de Franz Kafka qui a inspiré à Patrice Martin une savoureuse intrigue inventée de toutes pièces (Le chapeau de Kafka, L’instant même, 2009), Le manteau de Proust s’appuie sur une suite de rebondissements véridiques. Un jour qu’elle interviewait le costumier Piero Tosi, célèbre pour sa collaboration avec Luchino Visconti, Lorenza Foschini s’est mise à évoquer Marcel Proust, qu’elle connaît bien, pour avoir traduit en italien un recueil d’inédits intitulé Ritorno a Guermantes (« Retour à Guermantes ») pour les éditions Studio Tesi. À l’époque où Visconti voulait adapter À la recherche du temps perdu, des repérages effectués dans Paris ont mis Tosi en contact avec Jacques Guérin, directeur d’une usine de parfums en banlieue parisienne et grand collectionneur de Proust. Les circonstances dans lesquelles celui-ci est entré en possession du légendaire manteau doublé de loutre constituent à elles seules un roman. Si ce vieux vêtement fétiche repose aujourd’hui au fond d’une boîte à senteur de camphre et de naphtaline au musée Carnavalet à Paris, il s’est jadis retrouvé au cœur d’une « bizarre histoire de famille », que Lorenza Foschini rapporte ici avec la fidélité d’une enquête journalistique et le plaisir narratif propre au conte. Non seulement fait-elle revivre, par l’intermédiaire d’objets familiers, l’entourage de Proust (son frère médecin Robert, sa farouche belle-sœur Marthe), mais elle montre aussi, à travers le parcours de Guérin, de quels heureux hasards peut se composer la vie d’un collectionneur.
Lorenza Foschini est bien connue du grand public italien. Journaliste, correspondante au Vatican et productrice d’émissions de télévision à succès sur la chaîne RAI, elle a aussi remporté le prix Scanno (surnommé le « prix Nobel italien »), catégorie journalisme, en 1997. Écrit d’une fort jolie main, Le manteau de Proust en impose en outre par sa ravissante couverture rose pêche et son illustration, adaptée de dessins de Cocteau, montrant Proust vêtu de son épais manteau.