L’adoption d’une orpheline africaine est un geste si émouvant, si louable que la canonisation du parent d’adoption semble aller de soi. Je dis bien parent au singulier, car, en l’occurrence, c’est un cinquantenaire arrimé à son vide matrimonial qui ouvre ainsi les bras. À ne considérer que les responsabilités dont il se charge, Olivier Poivre D’Arvor est à jamais conscrit par son don : il devra, seul, fournir le cadre affectif requis par Amaal, fillette de sept ans, restreindre ses déplacements, apaiser quelque peu son papillonnage affectif et sexuel, apprendre le métier de père… Et nous ne sommes pas dans un roman.
Trouve-t-on là des motifs supplémentaires de canonisation ? Peut-être pas. C’est d’ailleurs le récit que signe l’auteur lui-même qui suscite l’ambivalence. À la racine de son désir d’adoption, Poivre D’Arvor identifie le choc que lui a causé la révélation de sa stérilité : il a vécu deux mariages, mais jamais une descendance ne lui a été donnée. Pour cause : les batteries de tests confirment que jamais il n’aura de rejeton. Que cela traumatise le séducteur plutôt mobile qu’est Poivre D’Arvor, on le conçoit, mais comment éviter de s’interroger sur la conclusion qu’il tire de cette illumination ? Pourquoi, d’urgence, chercher à feutrer le choc par une jeune présence ? L’enfant ne répond pas ici au besoin qu’un couple ou une personne seule éprouve d’incarner son amour dans une nouvelle vie ; sa venue découle plutôt du refus d’un solitaire de constituer le point final de sa lignée.
Ce questionnement ne discrédite pas le geste. Qu’une personne seule forme pareil projet, cela méritera encore l’admiration, à condition cependant que l’adoption redouble de prudence, de précautions, d’humble vigilance : déjà exigeante, la tâche s’alourdit encore quand elle repose sur une seule paire d’épaules et une seule affection. Il ne semble pas, de son propre aveu, qu’Olivier Poivre D’Arvor ait senti ces nécessités. Il lui a suffi qu’un ami lui présente une orpheline et que le contact avec la fillette s’enveloppe d’émotion pour qu’il veuille aussitôt sauter dans le premier avion à destination de Paris et inscrire l’enfant dans la meilleure école privée de l’Hexagone. Quand interviennent les pouvoirs publics, du Togo ou de la France, pour effectuer les enquêtes indispensables et que s’ajoutent (peut-être) les méfiances têtues de tel consul français, le père – en germe – souffre, proteste, trépigne. Visiblement, le généreux personnage n’avait jamais prévu les mille précautions requises par l’adoption internationale. ; il n’est pas certain qu’il en ait entrevu le bien-fondé. Quand, à force de pistons, la voie se dégagera, le lecteur pourra se demander si cet homme indéniablement généreux ne s’est pas, sur un beau coup de cœur, dispensé des prudences dont il faut malgré tout entourer la transplantation d’une enfant.
L’éditeur, en quatrième de couverture, fait de l’auteur un « homme pudique ». Il ne l’est certes pas dans l’évocation, noms à l’appui, de ce que le machisme appellerait ses « bonnes fortunes ».