Dans son essai, Pascal Lapointe remet les pendules à l’heure. Même si plusieurs textes sont tirés de chroniques publiées dans les années 1990, ils ont gardé de leur pertinence. C’est qu’ils ne portent pas sur la nouvelle version de votre logiciel préféré ou haï entre tous (possiblement le même), mais sur l’euphorie qui a accompagné le développement de la microinformatique et de l’Internet, et particulièrement sur la balloune « point com » qui s’est spectaculairement dégonflée à la Bourse, sans que personne parmi les experts n’ait pu prévoir la catastrophe. L’exergue de la première partie, empruntée au créateur de Sherlock Holmes, donne le ton de l’ensemble : « Rien de plus trompeur qu’un fait évident ».
Pascal Lapointe est journaliste et travaille à l’Agence Science-Presse. Il est de l’école du journalisme d’enquête et des dossiers soigneusement étoffés. La presse scientifique à laquelle il se rattache lui fait adopter une attitude à la fois ouverte et critique par rapport à Internet. C’est de cette façon qu’il s’en prend aux experts, trop souvent des « branchés débranchés », et qu’il démonte le fétichisme technologique et la construction du mythe des autoroutes, bref qu’il dénonce l’absence d’esprit critique par rapport à l’informatique. Logiquement, il discute ensuite trois enjeux majeurs : la protection de la vie privée, la surabondance de l’information et l’évaluation de la fiabilité de celle-ci. Toutes ces choses sont dites simplement et toutes sont bonnes à lire et à méditer. De plus, il propose de nombreuses références et pistes de recherche, certaines accessibles par Internet.
Riton V., pour notre plus grand plaisir, n’y va pas avec le dos de la cuiller. Bien sûr, il exagère un peu les faits (mais pas tant que ça). Quand le roi est nu, il faut le dire. Alors que Pascal Lapointe analyse posément et systématiquement, Riton V. ironise et fustige. Ça fait du bien de lire un essai sur le cyberespace écrit par quelqu’un qui connaît bien, de l’intérieur, de quoi il parle – l’auteur est concepteur multimédia et enseigne cette discipline (!?) dans un collège – et qui sait comment en parler, car il est écrivain de science-fiction.
Ce n’est pas un ouvrage structuré (quoique…) mais une série d’actes de bravoure qui s’attachent à dénoncer le Net.set, les mythes et les mystifications du cyberespace et ses quelques mystificateurs, tant franco-européens que nord-américains.
J’irais jusqu’à affirmer que le propos des deux livres est le même, malgré, on l’aura compris, des tons très différents. Les discours sur les potentialités d’Internet commencent à céder le terrain à des analyses plus concrètes de ses réalisations, voire à son ethnographie. Les gourous n’ont plus le monopole du discours !