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NUIT BLANCHE

Pourquoi donner ? Selon Jacques T. Godbout, la question est mal posée. Ce que l’on devrait se demander est : pourquoi ne pas donner ? L’économisme ambiant fait apparaître le don comme un vestige des sociétés archaïques, comme un surplus en regard de l’essentiel : la rationalité économique. Mais pour Godbout, le don n’est pas un vestige : c’est lui qui cimente le social, créant les identités tant individuelles que collectives. On reconnaîtra bien sûr dans ses analyses l’influence de Marcel Mauss, dont il se réclamait explicitement dans son ouvrage précédent, L’esprit du don, mais ici c’est davantage Lévi-Strauss qu’il faudrait évoquer, celui des structures de la parenté, qui plaçait l’échange à la jonction de la nature et de la culture.

Cet ouvrage est, à plus d’un égard, surprenant. Les premiers chapitres apparaissent comme la synthèse des travaux antérieurs de Godbout sur le don et la famille, mais ils les systématisent et proposent d’utiles typologies sur ce qu’on donne, à qui, pourquoi, et avec quel effet. L’originalité des travaux de Godbout, par rapport à l’École française et à ses insignes représentants susnommés, réside dans son analyse de la dette et du don moderne. Ce dernier est abordé sous l’angle du don aux étrangers, à travers trois exemples privilégiés : l’entraide internationale et les dons d’organe ou de sang et les groupes d’entraide (dont les Alcooliques anonymes fournissent le meilleur exemple). Mais Godbout va plus loin, en liant le don à l’identité, ce qui amène à un renversement total de la perspective économique et de l’économisme sous-jacent dans l’ensemble des sciences sociales. S’il reste du chemin à parcourir dans cette voie, la porte est ouverte.

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