Reprenant les exposés présentés au colloque international « Le devoir de mémoire et les politiques du pardon », ce livre constitue un événement majeur au Québec et au Canada. Non seulement les modalités de la lutte contre le racisme et la discrimination dont furent victimes les peuples autochtones et les afro-descendants sont-elles explorées dans leur contexte historique spécifique, mais un vaste ensemble de situations universelles sont convoquées et analysées dans un brillant ensemble de contributions multidisciplinaires.
Comme il est impossible de rendre compte ici de la richesse du contenu, citons cet extrait de l’introduction des maîtres d’œuvre qui synthétise les exposés d’ouverture prononcés par Ted Moses et Ali Moussa Iye pour dire que nous sommes constamment sollicités à demeurer « en présence du croisement, de l’intersection de trois dramatisations actuelles de la mémoire blessée : la destruction absolue, c’est-à-dire toutes les formes de génocide et d’ethnocide ; l’exclusion des droits civiques et la dépossession ; enfin, l’aliénation de l’existence individuelle et collective ». En tant que psychanalyste travaillant avec des requérants du statut de réfugié au Canada et en tant que membre du Réseau Santé d’Amnistie internationale, il est évident que ces problématiques me convoquent intensément. Reste que je les crois aujourd’hui incontournables dans un monde qui, sous couvert de défendre la démocratie, banalise et légitime ouvertement les exactions les plus barbares. Heureusement – cet ouvrage le démontre hors de tout doute -, des voix de plus en plus nombreuses se lèvent non seulement pour dénoncer, mais pour agir en renouvelant les fondements éthiques du pardon et de la réparation.
Qu’on le veuille ou non, la responsabilité des États, de leurs représentants et des citoyens (là où les humains bénéficient de ce statut) s’avère désormais liée au devoir de pardon en autant que l’on entende que seul l’impardonnable peut être pardonné. Nous nous souviendrons ainsi que l’histoire ne saura désormais être écrite uniquement par les vainqueurs ; la dissémination des récits identitaires ne le permettra plus.