L’essayiste français bien connu Alain Minc (un essai par année environ depuis 1978 !) fait un constat fort intéressant. Nous assistons, dit-il, à la disparition des élites traditionnelles, composées notamment de mandarins formés dans les grandes écoles. À sa place, portée par un populisme grandissant, et son corollaire, l’anti-élitisme (le « tous pourris »), apparaît une élite « de notoriété », plus volage (car la notoriété peut être passagère), dont les principaux axes sont l’opinion publique, les juges et les médias.
Bref, pour avoir de l’influence, il n’est plus nécessaire de faire des études exceptionnelles, d’être rangé et de monter les échelons. Dans ce monde où le dirigeant d’ONG est souvent plus crédible que celui d’une grande institution établie, mieux vaut gagner le concours de Loft Story, avoir une personnalité hors du commun et, grâce à l’éclairage des médias, user de cette influence pour promouvoir ses intérêts. Cette disparition de l’élite traditionnelle, voilà ce que l’auteur nomme le crépuscule des petits dieux
Si l’auteur ne se désole pas outre mesure de cette évolution, car elle permet entre autres la disparition des classes au profit des individus, de meilleures chances d’ascension pour les milieux modestes, il émet toutefois une inquiétude : que la démagogie l’emporte sur la pédagogie dans les choix publics, que le refus des mutations devienne pensée unique. Et aussi que dans ce monde où règne le culte du moi, plus personne ne se soucie de l’intérêt collectif, du devenir à long terme de la société.
Même s’ils réfèrent au cas français, les propos d’Alain Minc sonnent justes et sont tout à fait applicables au contexte québécois. Ils fournissent de précieux points de compréhension de notre société et des changements auxquels elle est confrontée.