Pourquoi nier aux femmes leur accès à l’amitié ? Pourquoi Achille et Patrocle, Montaigne et La Boétie, mais pas d’aussi beaux couples féminins ? Élaine Audet refuse ce clivage. Elle rugit, quel que soit le prestige du philosophe ou du sociologue, si une sommité juge les femmes incapables d’un tel sentiment. Elle évoque alors, ce qui vaut preuve du contraire, celles qui s’aimèrent et refusèrent de n’exister que par mâles interposés. Un feu l’anime, la documentation la sert.
Cette riposte répond à demi à la question. On ne sait toujours pas pourquoi tant de voix, y compris celles de femmes, affirment l’inaptitude des femmes à l’amitié, ni pourquoi tant de regards ont balayé l’histoire et la littérature en relevant si peu de tandems féminins. Élaine Audet ne lésinera pas sur les explications : elles iront de la suffisance masculine à une certaine frilosité féminine, en passant par le préjugé que l’histoire entretient en faveur des vainqueurs. Tout cela se tient. La tentation vient pourtant au lecteur d’oser dire : n’invoquons pas le noir complot quand la bêtise suffit…
Élaine Audet écrit avec la fougue qui soulevait déjà ses chroniques de l’imposture. Ses questions stimulent toujours et secouent souvent ; elles ne sont jamais futiles. Dommage toutefois que l’éditeur ait adopté une mise en page aussi étouffante. Heureusement, la belle couverture sert le texte.