Ce cinquième corridor est celui de l’inédit, de la contestation, du choix d’un monde parallèle, celui où « tu peux te construire une barrière » qui sauve des « quatre premiers corridors » que s’est inventés le narrateur, dont le prénom est le même que celui de l’auteur.
Daniel a une trentaine d’années (comme l’auteur) quand il décide de raconter son parcours à un « tu » dont on ne saura rien si ce n’est qu’il pourrait être aussi bien un confident que le lecteur. Dans ce qui prend la forme d’un journal intime, il cherche à donner sens à ce qu’il a vécu. Or le sens lui échappe, fuit. Le texte se développe dans un mouvement qui n’est ni chronologique ni logique, mais plutôt intuitif, né des images, des climats, des odeurs qui surgissent au fil d’une descente en soi-même. Le narrateur est sous médication et suivi par un psychiatre, sans qu’on sache trop la nature de ses problèmes.
Par hasard, il croise son premier amour, Mylène, qui ne le voit pas. Voilà le déclencheur de l’écriture : que s’est-il passé entre leur première rencontre et aujourd’hui alors qu’il se sent vieux et, on le découvrira, vide ? Tout allait bien entre eux jusqu’au jour où il a rencontré Margaux et qu’il s’est retrouvé « avec deux blondes ». Mylène pour l’adolescence et l’innocence, Margaux pour le défi, la confrontation. Le jour et la nuit, la bipolarité.
Aux sentiments, le plus souvent confus, s’ajoute un désir d’absolu. Ainsi, à propos de Mylène, le narrateur écrit : « J’aimerais avoir compris que mon destin est une émeute qui passe par elle, qu’ensemble nous sommes le peuple ». Discours qu’il module différemment pour Margaux : « Je lui ai dit toi et moi on va devenir un nouveau genre de communisme, ça va être du communisme rose, ça va être beau ». Il se promènera entre les deux pôles (toujours la bipolarité), entre jobs, BS, drogues, punaises, coquerelles, pluie (il pleut beaucoup sur la ville et sur sa vie) et espoir. Les souvenirs s’appellent les uns les autres dans un désordre qui correspond à sa vie.
La plume est vive, métaphorique (la poésie, fût-elle trash, n’est jamais loin), passant du registre familier au soutenu sans une hésitation. Parfois, l’urgence de dire semble déborder la pensée de Daniel, ce qui crée une confusion entre réel et imaginaire. Il se laisse emporter par ses souvenirs, d’où qu’ils viennent ou naissent, et par le sentiment qu’il doit faire son deuil de Mylène. Le dernier des 37 chapitres (pour un texte d’une centaine de pages) rappelle l’instant de leur rupture alors que Mylène lui dit que « c’est juste un concept, se séparer ».
Ce roman s’inscrit dans la suite des trois recueils de poésie de l’auteur et même de son disque, Caramel, une autoproduction minimaliste intéressante en soi qui ressemble à un démo. D’une certaine façon, ce roman est également une autoproduction minimaliste et c’est ce qui crée sa force.
LE CINQUIÈME CORRIDOR
- Perce-Neige,
- 2015,
- Moncton
108 pages
19,95 $
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