« Il y eut un été au centre de nos vies, un poète qui n’écrivit aucun vers, une piscine où tombait du haut d’un plongeoir un nain aux yeux de velours et un homme qu’une nuit les nuages emportèrent. Les jours tombèrent sur nous comme des arbres morts. »
Antonio Soler parvient ainsi à résumer merveilleusement Le chemin des Anglais dès le premier paragraphe de son livre. Il est en effet question, dans ce roman, d’un groupe d’adolescents andalous sur le point d’entrer dans leur vie d’adulte et de partir chacun de son côté. Ils passent leur dernier été ensemble et, à mesure que l’automne approche, on sent qu’une menace pèse de plus en plus sur leur vie jusque-là plutôt insouciante.
Le chemin des Anglais est, en particulier, l’histoire de Miguelito Dávila, un poète qui n’a jamais écrit un vers, mais qui s’abreuve régulièrement à La divine comédie de Dante. Cet été-là, il se remet de l’ablation d’un rein. Il vit par ailleurs une liaison passionnée avec la jolie et sensuelle Luli Gigante, qui fait tourner bien des têtes dans le quartier. Luli Gigante, qui rêve de devenir danseuse professionnelle et qu’il voit comme sa Béatrice. L’avenir semble donc plein de promesses pour le jeune poète en herbe. Pourtant, « il pressentait un danger étrange » et « l’automne allait être pluvieux », comme disait à la radio un de ses amis, devenu annonceur de bulletins météorologiques.
Il faut dire que Miguelito et sa bande ne sont pas seuls à voir les jours tomber sur eux comme des arbres morts. La vie de plusieurs de leurs aînés est aussi perturbée au cours de cet été-là. Certains vivent en effet des drames, alors que d’autres sont simplement brisés petit à petit par l’usure des jours. Comme une femme du roman, pour qui « l’automne était venu, l’avait enveloppée et Suvrait en elle comme dans les arbres et dans la terre. Il la minait doucement, l’ébranlait, la submergeait ».
C’est avec cette langue teintée de poésie qu’Antonio Soler raconte cet été de la vie de Miguelito Dávila et de ses amis. Ce qui n’empêche pas l’auteur de soutenir le suspense, au point qu’il est difficile de refermer Le chemin des Anglais avant d’en avoir terminé la lecture. Donc, lecteurs et lectrices, soyez prévenus : des nuits blanches sont à prévoir si vous ouvrez ce livre.