Plus connu comme auteur de romans policiers, le Suédois Henning Mankell, né en 1948, est aussi romancier – fictions centrées sur les grandes questions de société – et écrivain de théâtre. Depuis 1985, il partage son temps entre la Suède et Maputo au Mozambique, où il dirige le Teatro Avenida. Mankell se plaît à résumer : « […] j’ai un pied dans la neige, l’autre dans le sable ».
Dans Le cerveau de Kennedy, Mankell fait éclater sa colère. L’Afrique se meurt du sida et l’Occident se croise les bras. C’est un des thèmes douloureux qu’aborde le grand écrivain, utilisant sa renommée pour témoigner au nom des plus démunis, sacrifiés par nos sociétés impuissantes.
Mankell met ses talents de détective et de conteur au service de l’enquête menée par l’archéologue Louise Cantor. La Suédoise cherche une réponse à sa douleur : qui a tué son fils unique Henrik et surtout pourquoi ? À partir de Stockholm où elle a retrouvé le corps sans vie, elle parcourt l’Europe, l’Afrique et l’Australie, remontant le fil des derniers jours de son enfant. « La catastrophe se produisit à l’automne, et s’abattit sur elle à l’improviste. »
Le métier de Louise Cantor lui a appris à reconstruire des mondes disparus à partir de tessons de poterie ; sa volonté implacable de mère blessée lui sert pour découvrir et suivre les traces de cette abomination. Elle travaille pièce par pièce, comme dans un puzzle. Suicide, mort naturelle ou assassinat ? Connaîtra-t-elle un jour le scénario ?
Douleurs et pertes d’êtres chers alternent avec cupidité, lâcheté et abandon d’un continent tout entier. Le constat est terrible. « Il faut si possible éviter de mourir avant d’avoir fini de raconter son histoire », explique l’un des personnages du Cerveau de Kennedy. Devant l’horreur de la pandémie et l’inégalité des combattants, entre trusts pharmaceutiques, dénuement extrême, mouroirs et cobayes humains, on termine le livre un peu sonné.