Nous revoilà plongés au cœur du Quartier Latin, à la veille de l’Expo 67, avec les guidounes et les travestis de la Main, mais avec de nouveaux personnages qui, on le pressent – du moins on l’espère –, seront les protagonistes d’une autre série de chroniques. On retrouve en effet dans Le cahier noir le ton des Chroniques du Plateau Mont-Royal, l’atmosphère des années 1960, et des personnages aussi puissants, sincères et attachants.
En 1966, à la veille de l’Exposition universelle, Céline Poulin, waitresse de nuit au Sélect, prend la plume pour essayer de comprendre entre autres l’immense gaffe qu’elle nous confessera au fil des pages. « Ce que je m’apprête à écrire sera important pour moi. Une vraie première je n’ose pas encore avancer le mot œuvre, mais ça viendra peut-être un jour. Appelons ça pour le moment la confession d’un enfant du milieu du siècle, c’est aussi prétentieux, mais au moins ça contient une dose d’humour. » Comme tous les adolescents, Céline Poulin a déjà tâté de l’écriture pour dire son mal-être, mais le cahier noir à la couverture rigide, ligné bleu, vient clore l’époque des cahiers d’écolier, des vieilles factures, des calepins écornés sur lesquels elle a jusqu’alors jeté à la hâte émotions et états d’âme. Ultime confident, ce cahier tout neuf inaugure une nouvelle époque dans la vie de la marginale Céline Poulin. Marginale, Céline l’est assurément. Pas étonnant que ce soit parmi la faune de nuit du Sélect qu’elle se sente le plus à l’aise ! Il y a là, en effet, ses vrais amis : Jean-le-Décollé, la Duchesse de Langeais, Fine Dumas
On retrouve dans ce roman des thèmes chers à Michel Tremblay : l’humiliation, la marginalité, la relation parent-enfant, la difficulté de vivre la différence Le cahier noir, c’est l’histoire de « deux têtes de cochon qui s’affrontent en silence ». Un magnifique éloge de la différence.