Le bonimenteur de cinéma désigne un personnage réel (et non « dans » le film), faisant office de commentateur et d’animateur dans les salles de spectacles, et qui jusqu’à l’avènement du cinéma parlant expliquait les scènes et lisait (souvent en les traduisant) les intertitres ponctuant l’action des films muets. Toutes proportions gardées, ce bonimenteur jouait un peu le rôle des conférenciers de séries commes « Les grands explorateurs », en s’adressant en direct à des auditoires qui n’étaient pas encore formés à la compréhension des films, et pour qui toute coupure narrative, comme un changement de plan ou de lieu constituait un choc ou une rupture difficile à expliquer, à l’époque des premiers films, il y a cent ans. Mais selon les salles, les auditoires et les régions, le bonimenteur pouvait aussi dramatiser, augmenter le suspense ou modifier considérablement le récit, comme on l’explique ici.
Ce sixième livre de l’historien Germain Lacasse poursuit des recherches amorcées il y a près de vingt ans, avec la publication de son excellent livre L’historiographe, Les débuts du spectacle cinématographique au Québec (Cinémathèque québécoise, 1985), qui identifiait pour la première fois les circonstances de la toute première projection publique d’un film dans notre pays, en 1896. Le présent ouvrage est le seul qui soit entièrement consacré à ce personnage important de l’histoire du cinéma muet, et Germain Lacasse compare les fonctions de cet animateur-conférencier dans différents pays (jusqu’au Japon, où celui-ci tenait un rôle beaucoup plus élaboré). J’ai particulièrement apprécié la dernière partie de l’ouvrage, qui situe la place du bonimenteur dans la modernité. On lit Le bonimenteur de vues animées avec beaucoup d’intérêt, et l’on apprécie la clarté de l’analyse, la richesse de la documentation et l’exhaustivité de la recherche.