C’est avec une crainte pudique que j’ai entamé la lecture du recueil Le bonheur ne dort que d’un œil. J’ai certes déjà lu quelques vers de Nelligan, feuilleté un recueil de Prévert, apprécié le verbe de la chanson française mais la poésie restait, somme toute, un territoire inconnu pour moi.
Et puis, un beau jour, ce petit livre gorgé d’humanité m’a été confié, comme un présent. Je l’ai lu et relu et puis je me suis endormie blottie contre ces quelques pages respirant la vie. Au matin, je n’avais jamais eu aussi bonne mine ! Il y avait si longtemps que je n’avais pas savouré à ce point la musique des mots, ressenti leur puissance contenue. Et les mots de Lise Mathieu respirent la mélancolie, la nostalgie mais aussi le bonheur d’être et seulement d’être. Ils exaltent la beauté de la nature et la force du passé. Ils peignent des montagnes chatoyantes, des océans ridés par les marées, des cieux tatoués d’étoiles, des crépuscules tourmentés. Ils traduisent avec grâce le besoin de s’oublier dans l’immensité de la nature, de s’empreindre d’elle, de retrouver sa place en son sein. La nature devient alors une confidente, une amante qui permet de panser la solitude que garde jalousement chaque homme au creux de son cœur. D’ailleurs, cette solitude, l’auteure semble la tenir d’une main serrée comme si c’était son plaisir doux-amer.
Ce livre est un hymne à la vie ; la vie telle qu’elle est, striée de douleurs, de petits bonheurs et de déchirements, celle qui est faite de cicatrices anciennes composant le présent, celle qui est à recommencer chaque jour mais qui regorge de beautés cachées. Il louange l’égrènement des minutes, la saveur des jours, la douceur de la simplicité. Ouvrir ce livre, c’est pénétrer dans un univers vaporeux, introspectif, pavé de lucidité et de fleurs de poésie. Et ce n’est pas sans plaisir que l’on hume ces gerbes de mots fleurant le parfum du bonheur.