Serge Gauthier, docteur en ethnologie et président de la Société d’histoire de Charlevoix, nous offre, dans la collection biographique « Les grandes figures », un portrait de la syndicaliste Laure Gaudreault.
Ainsi, on se retrouve en 1889, dans un coin isolé de la Malbaie, le rang Snigoll. C’est là que Laure voit le jour, qu’elle grandit, loin des écoles.
Marguerite (Bergeron) Gaudreault, la mère de Laure, est instruite, ce qui lui permet d’enseigner à ses enfants. Sitôt que la famille aura assez d’argent pour sortir du rang et s’approcher d’une école, les choses vont changer. En attendant, apprendre à lire, à calculer avec maman.
Celle-ci reçoit un jour une lettre de Chicoutimi. Un ami, l’abbé Eugène Lapointe, installé à la ville, y constate la misère des ouvriers. Il veut former des syndicats pour leur obtenir des conditions décentes. Pour cela, il se base sur les principes de l’encyclique Rerum Novarum publiée en 1891 par Léon XIII. Il envoie le texte à Marguerite pour qu’elle en prenne connaissance, le lise à son mari, à ses enfants. Il faut que l’éducation les sauve de ce que le Pape appelle « la situation d’infortune et de misères imméritées » à laquelle font face « les hommes de classe inférieure ».
Voilà l’état d’esprit dans lequel Laure arrive à Chute Nairnes, en 1902.
L’accès aux établissements scolaires change sa vie en lui permettant de devenir institutrice. Du Couvent des sœurs de la Malbaie à l’École normale de Québec, elle devient une enseignante remarquable.
Elle enseigne en milieu rural, aux Éboulements. C’est si difficile ! Elle fait un stage chez les Ursulines. Elle n’a pas la vocation. Elle retourne à l’enseignement laïc au Lac-St-Jean. Elle gagne si peu qu’elle accepte un poste de journaliste au Progrès du Saguenay.
Mais l’éducation lui manque. Elle revient enseigner à la Malbaie et là, forte de son expérience d’institutrice rurale et touchée par les courriers qu’elle a reçus lors de sa période journalistique, lettres où des institutrices décrivent l’isolement et les conditions lamentables dans lesquelles elles travaillent en région, elle fonde l’ACIR, l’Association catholique des institutrices rurales de La Malbaie. Le but : s’unir pour être entendues, mieux traitées, et justement payées.
À partir de là, on rencontre tous les sigles qui sont nés du combat extraordinaire de Laure Gaudreault, pour ne nommer que le dernier : CEQ. Une grande pionnière québécoise.