Certes, Patrick Grainville possède une belle plume, un souffle lyrique soutenant des descriptions éloquentes, une ponctuation habile et rythmée. Il a publié près de trente livres. Il a reçu le Goncourt en 1976 pour Les flamboyants.
Mais parfois on refuse de basculer dans l’univers d’un roman. Ce fut le cas à la lecture de L’Atlantique et les amants. Une récurrence de détails accusait continuellement la distance avec l’univers de l’auteur et donnait l’impression d’être devant un simple exercice littéraire. Pourtant, l’histoire peut intéresser : un jeune couple, Éric et Léna, se voue au soleil et aux voyages à moto, guidés par leur seul désir. En Espagne, le couple s’arrête près de la mer, fait la rencontre de quelques personnages. Chacun a sa passion : tauromachie, photo, surf, oiseaux rares et chiens, sculpture… Les obsessions, différemment vécues, s’entrechoquent. Marqué par les liaisons nouvelles et les pertes, le couple repart sous le soleil.
C’est dans la description du surf, à l’instant où il faut faire corps avec l’océan plutôt que lutter contre lui, que le corps apparaît dans sa plus grande beauté. De nombreux passages, inspirés, font de l’Atlantique un personnage à part entière, décrit dans sa majesté, sa force et son ampleur. Il s’impose comme centre du roman ; les amants et les personnages secondaires s’y greffent cependant de façon artificielle, presque pour justifier l’entreprise littéraire autour de lui. Pour figurer l’indomptable, soit chaque lubie de chaque personnage, l’auteur file les métaphores de la mer, des chiens, des taureaux, mais surtout ‘ ô cliché ‘ broche des noms amérindiens çà et là pour faire « sauvage ». On nage dans une espèce de fantasme européen du Nouveau Monde, vision étriquée et ridicule : « Léna avait toujours bercé au fond de son désir un grand rêve d’Indiens, de razzias emplumées dans la prairie, de dos minces et nerveux courbés sur le cou des pur-sang, de sandales véloces, de couteaux dégainés… » Lorsque les chiens y ont pour nom « Apache » ou « Sioux », s’en est trop. De ce côté-ci de l’Atlantique, ce n’est pas le genre de fantasme qui m’emporte.