Plaçant en son centre les questions de l’identité et de la subjectivité féminines, l’œuvre de Madeleine Ouellette-Michalska se construit avec constance, et reconnaissance, depuis une trentaine d’années.
Le plus récent roman de l’auteure, L’apprentissage, présente le parcours d’une femme qui, de l’enfance à l’âge adulte, découvre que la féminité est un rôle prédéterminé. « Comme d’autres femmes avant elle […] elle se laisse dévorer par les rituels domestiques […]. Sans le savoir, elle se dévore elle-même. Ni son temps ni sa vie ne lui appartiennent. »
Le récit s’ouvre sur l’enfance. La fillette vit un quotidien fait d’une rassurante symétrie, où tout se trouve bien compartimenté entre deux pôles : le proche/le lointain, le coutumier/l’exceptionnel, le travail/le repos. Portée par les récits de sa mère, elle s’émerveille des beautés qui l’entourent. Les « rosaces granuleuses accumulées » sur les fenêtres givrées, les « vibrations ténues qui montent de la terre » la touchent, la rendent heureuse.
Arrivent ensuite l’adolescence et l’âge adulte. Avec cela, la vie à la ville, la joie de la connaissance. Puis, le mariage avec L., cet époux étranger, qu’elle apprendra à connaître et qui l’apprivoisera à son tour, au fil des jours passés l’un près de l’autre.
Avec la vie conjugale viennent deux grossesses. Le premier enfant, un fils, enorgueillit le père. Laissée seule aux ouvrages domestiques, la mère voit la seconde naissance comme une réparation. « Toute noirceur semble disparue de la terre. […] Le ventre englobe ce qui paraissait auparavant fractionné, changeant, menacé. » Or, désormais, ils sont trois à tout attendre d’elle, qui se dévoue autant à ses études universitaires qu’aux exigences de sa famille. L’époux la préfère cependant « enfermée dans une identité close ». Elle fait alors ce qu’on lui a appris à faire depuis toujours : « […] se cacher pour être soi ». Elle vit donc en silence, et à l’insu des siens, sa passion de l’écriture, jusqu’au jour où, ses enfants devenus grands, elle se sent « béante », « fractionnée, inassouvie ». La femme se met alors en marche, et c’est dans l’intime contact avec la terre qu’elle revit et parvient à préserver l’instant qui fuit.
Enfance, filiation, onirisme, duplicité du sujet féminin, majesté de la nature et de l’écriture, L’apprentissage regroupe autant de thèmes chers à Madeleine Ouellette-Michalska, dans un roman où, encore une fois, l’auteure parvient à capter l’essence d’un être de papier à la fois fragile et profondément vivant.