Friand de fantômes et autres irréductibles trépassés, Didier van Cauwelaert nous relate dans L’Apparition l’histoire d’un Indien du Mexique, Cuautlactoactzin, auquel la Vierge serait apparue en 1531. Les miracles qui lui furent attribués en ont fait une cible de choix pour tous les malades, estropiés et déshérités du Mexique. Aussi la béatification de Juan Diego (son nom de baptême), qui serait ainsi enfin promu au rang des officiels, est-elle attendue avec impatience. Or les autorités du Vatican procèdent avec prudence : on mène à la basilique de la Guadalupe les plus grands experts de diverses disciplines pour examiner les reliques et confirmer ou infirmer le caractère exceptionnel et inexplicable des traces d’ordre divin laissées par la Vierge sur la tilma, le vêtement de Juan Diego. Nathalie Krentz, ophtalmologue athée réputée, est du voyage.
En attente de béatification, Juan Diego, mort en 1548, qui habite depuis lors le regard de la Vierge, se morfond dans ses limbes et rêve de vacances posthumes bien méritées. C’est avec acharnement qu’il tente d’influencer Nathalie pour qu’elle le libère de cette célébrité dont il n’a rien à faire puisque les miracles qu’on lui attribue sont soit le fait du hasard, soit d’origine divine. Son rôle d’intercesseur entre la Vierge et les malheureux qui l’implorent lui pèse de plus en plus, lui dont le seul désir est de retrouver sa femme, Maria Lucia, décédée quelques années avant lui : « Je n’en peux plus de passer l’au-delà à écouter les vieilles me parler de leurs varices, les vieux de leur goutte, de leur queue et de leurs fonds de pension, les jeunes m’implorer pour avoir un enfant ou le faire passer, les amputés me réclamer leurs jambes, les députés un siège, les supporters un but »
La plume heureuse et leste, van Cauwelaert nous décrit avec sa verve habituelle les tribulations de Nathalie qu’il trimbale dans des taxis déglingués et un minibus épiscopal, « de crevasses en dos-d’âne sur des routes défoncées qui serpentent à travers rien. » À lire!