Depuis 2006, la maison Seghers reprend une vieille tradition inaugurée par son père, Pierre Seghers : rassembler dans un ouvrage la meilleure poésie de langue française publiée au cours de l’année précédente. Elle provient de la Suisse, de la France, de la Belgique, du Québec, du Maghreb, de l’Afrique noire, de l’océan Indien, du Luxembourg, de la Syrie, du Liban… De toute évidence, c’est sous le signe de la diversité que s’est créée cette édition 2008 ; les présentateurs Patrice Delbourg, Jean-Luc Maxence et Florence Trocmé, à qui l’on doit ce vaste répertoire, nous font apprécier les mots de vieux routiers, tel Charles Juliet, comme les nouvelles avenues en poésie, le slam par exemple. La poésie performance, le verbe rimé et musical, les rythmes incantatoires africains, plusieurs formes actuelles dénotent un désir de rencontre avec l’autre, le lecteur ou l’auditeur, un désembourgeoisement de la parole poétique au profit de ceux et celles qui sont « de ces pieds nus qui ne se chaussent que / le dimanche », comme l’écrit Sofia Queiros. Qu’elle cherche la simplicité ou trouve son chemin dans l’abstraction, il serait faux de dire, à la manière des oiseaux de malheur, que la poésie creuse sa propre tombe par trop d’élitisme. Dans sa préface aux cent vingt poètes de L’année poétique 2008, Bruno Doucey accuse plutôt le mercantilisme qui gagne la sphère littéraire. Comme il le souligne, cette année 2008 a malheureusement vu disparaître de l’espace francophone quelques bastions de la poésie, revues et éditeurs, et d’autres seraient sur le point de s’écrouler par étouffement du marché. Qu’on prédise ou non sa mort, la poésie sera toujours vivante et nécessaire. Alain Mabanckou, Alain Jouffroy, Christian Bachelin, Marie-Claire Bancquart, Seymus Dagtekin ou Emmanuel Berland, pour ne nommer que ceux-là, ouvrent à de nouveaux horizons de vie. La poésie, à force peut-être de côtoyer l’idée de la mort, donne sens à notre présence sur terre. Pour les meilleurs, cela va de soi ! C’est un art exigeant qui, même dans une anthologie, n’atteint pas toujours les hauteurs. Toutefois, le poème d’aujourd’hui, bon ou mauvais – une question de goût -, parle d’une beauté à saisir, d’un monde à créer, d’une souffrance dont il faut prendre conscience, en somme d’une libération. La poésie d’aujourd’hui nous enjoint plus que jamais de nous libérer de nos habitudes… de lecture.
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