Perceval Marchaterre, roi des mouches, affamé tout court avant de se découvrir affamé d’amour, a des yeux qui révèlent l’angoisse des poulets nus et grelottants. Un regard froid qui pétrifie. Treizième de la famille, né la tête en bas tandis que sa mère se balance au bout d’une corde, Perceval, que cette folle de mère, ayant remis les pieds sur terre, destinait au tas de fumier, élit domicile sous la table familiale jusqu’à l’âge de six ans et se nourrit des ongles d’orteil de ses frères et de son père.
Une enfance maltraitée chez des bouseux qui plument les poulets vivants – pour que les oreillers qu’ils confectionnent soient plus moelleux – suivie d’une période à l’orphelinat du Précieux-Sang-Versé où le curé Théodule sculpte des crucifix à l’effigie des enfants hébergés, Perceval le mal-aimé tente de se colleter avec la vie, mais en vain. Après les moments de tendresse échangés avec le Premier, Poplouk, son frère devenu mongol, Perceval, faux orphelin du Précieux-Sang-Versé, se prend d’affection pour le curé Théodule. « Théodule, c’est la deuxième personne, après Poplouk, qui m’a le plus aimé dans ma vie et c’est dommage qu’il en soit mort. Lorsqu’il me berçait sur ses genoux, il me touchait les os du corps et il faisait des chapelets sur mes côtes. Un jour, il m’a même demandé de le bénir avec de la soupe de betteraves. »
À la fois drôle et bouleversant, débordant d’imagination, L’angoisse des poulets sans plumes rappelle l’univers glauque de La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy. Caricature fulgurante d’une époque aux relents moyenâgeux, ce roman « du terroir », pourrait-on dire, évoque avec brio le monde terrifiant et indicible des angoisses de l’enfance.
Une écriture vibrante au service du pathétique.