Chris Minnaar est un écrivain sud-africain vieillissant dont le dernier amour vient de mourir. Cette mort inattendue et celle anticipée de sa mère centenaire sont le prétexte pour entreprendre une longue réflexion sur l’importance qu’ont eue les femmes dans sa vie. Ainsi, tout au long des 500 pages de ce roman, Minnaar se remémorera la kyrielle de femmes qu’il a aimées, les circonstances dans lesquelles il a fait leur connaissance, leurs ébats amoureux et, quelques fois, le sens politique dont leur relation s’est chargée.
Au cours de cette longue promenade dans les méandres de ses amours d’antan, Minnaar nous confie que chacune de ses conquêtes lui a révélé une part de la richesse et de la complexité de la vie. Toutes lui ont également permis de saisir une part de sa propre humanité. Mais « quand la familiarité remplace le sentiment de nouveauté, quand ce que la femme du moment a de commun avec les autres se met à l’emporter sur ce qui est unique en elle, la relation changera, c’est triste, c’est fatal et inévitable ».
Livre d’un écrivain considérable en pleine maîtrise de ses moyens, L’amour et l’oubli compte pourtant quelques ratages. Le plus sérieux est sans doute l’échec de l’auteur à faire communiquer les univers du privé et du public en dépit de ses efforts pour lier convulsions des corps et soubresauts politiques. N’ajoute pas non plus à la crédibilité du propos le recours à certains procédés pour donner de l’épaisseur à la démarche du héros. Citons à ce chapitre les échanges très académiques qui parsèment le récit sur les motivations de Don Juan ou la constante référence à Shéhérazade pour décrire l’entreprise narrative de Minnaar/Brink.
L’amour et l’oubli est loin d’avoir la résonance du modèle auquel il se réfère. Cela tient sans doute à la volonté de Brink de raconter les amours successives de son héros en suivant presque exclusivement leur fil érotique. Trop souvent réduits à leur sensualité, les personnages finissent ainsi par manquer de profondeur. Pour apprécier L’amour et l’oubli, il faut l’aborder pour ce qu’il est : un bel hommage à l’amour des femmes et à leur sexe, l’irrésistible filimandorus.