« Pourquoi ? Mystère. Je ne comprenais rien à l’affaire. » Le mystère est merveilleux quand il fascine, et qu’il pousse à l’écriture. Le mystère, dans le roman de Vitoux, c’est le père, ce père mort avec ses secrets, avec son passé, avec ses souvenirs, dont il ne parlait jamais en famille, qui étaient son silence, et que le narrateur questionne, en un dernier hommage, dans «ces pages écrites au plus près de [ses] émotions et de [ses] souvenirs familiaux ». Le père qui, pour avoir collaboré aux journaux fascistes pendant les années de l’Occupation en France, fut emprisonné à la fin de la Guerre, alors que naissait le narrateur. Un jour, se présente à la maison familiale cet ami du père, cet ancien voisin de cellule, Bernard du Perray. L’accompagnent une actrice américaine boudeuse, au talent douteux, et une adolescente espiègle, un brin sournoise. Tous trois marqueront profondément le narrateur alors âgé de dix-huit ans. La première moitié du roman relate cette soirée qu’il passe en compagnie du trio. Le petit groupe roule sur les routes de France, à la recherche d’un divertissement, d’une aventure quelconque. Tous les quatre, ils s’ennuient en espoir, comme dirait Stendhal. Au cours de la soirée, le narrateur se fait audacieux, poussé par sa curiosité et le mystère, et questionne Bernard pour qu’il lui révèle des choses au sujet de son père silencieux. « Nous avions souffert [le narrateur et sa mère] de ce silence [du père]. Voilà la vérité. » La lenteur de cette première partie du récit est prenante, et même si rien d’étonnant ne se passe, on reste accroché. C’est l’univers de Modiano qu’on reconnaît dans ces pages.
La seconde moitié quant à elle est plus longue (ce qui n’est plus la lenteur…). Le souffle de la narration s’affaiblit. Beaucoup de répétitions. La nostalgie et la mélancolie se font pathétiques. Les « sentiments et les souvenirs » du narrateur se sont éloignés, on dirait… Et l’on regrette la tension narrative, la complexité de l’intrigue qui avaient été bien accrocheuses en début de lecture.