Ce bel ouvrage de la romancière française Pauline Guéna a remporté le Grand Prix des lectrices de Elle 2015 catégorie « Documents ». Orné de jolies photos prises par son mari, il est le résultat d’un an de pérégrination en camping-car aux États-Unis et au Canada. Guéna a voulu rencontrer certains écrivains qu’elle aime ou qu’elle a découverts pour les besoins de son livre. Vingt-six ont accepté de la recevoir chez eux durant son road trip familial (Binet et elle voyageaient avec leurs enfants). Dans ce lot, on trouve quelques grandes pointures (Russell Banks, Richard Ford, Dennis Lehane, Thomas McGuane), à peine six femmes (dont Siri Hustvedt et Laura Kasischke) et quelques Canadiens, anglophones surtout : Margaret Atwood, Joseph Boyden, Patrick deWitt, Craig Davidson… Du côté québécois : Gilles Archambault et Martin Winckler. C’est bien, mais peu. Quelqu’un aurait dû conseiller à Guéna de rendre visite à Louis Hamelin, VLB, Catherine Mavrikakis et consorts. Ce ne sont pas les seuls grands absents de ce livre. On sait que plusieurs ont décliné l’invitation. Philip Roth, Don DeLillo, Stephen King ? Les paris sont ouverts. Le refus de Paul Auster est en tout cas confirmé, puisqu’il en est question dans l’entretien avec Siri Hustvedt, sa femme.
L’ensemble des conversations – que Robert Laffont a mises en vente à l’unité en format numérique – est captivant. Sans être la plus expérimentée des intervieweuses, Guéna a tout de même réussi à susciter des discussions de qualité. Souvent, les mêmes questions reviennent : comment l’auteur construit-il ses œuvres, combien de temps y travaille-t-il, est-il un écrivain engagé, qui est son premier lecteur, etc. En plus de proposer un regard intime sur l’univers de grands écrivains nord-américains, ce volume fait ressortir les contrastes entre l’industrie du livre en Europe et celle en Amérique, par exemple le rôle joué, de ce côté-ci de l’Atlantique, par les agents ou par les cours de création littéraire.
Plein de qualités, L’Amérique des écrivains est aussi rempli de défauts. Les commentaires sont parfois inintéressants. Était-il nécessaire, par exemple, d’indiquer que William Kennedy tousse et que Guéna va lui chercher un verre d’eau ? Des erreurs suggèrent que l’éditeur a fait preuve de laisser-aller. Ainsi l’Université de Trent est relocalisée au Nouveau-Brunswick, Gilles Archambault a vieilli de quatre ans, la fille d’Albert Camus, Catherine, devient sa veuve et L’île des pingouins d’Anatole France est qualifié non de satire, mais de « satyre ». On en perd son latin.
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