Dort-il par choix, s’il dort, cet âge qu’on a affublé de tant de qualificatifs discriminatoires, ou sucrés comme tout ce qu’a inspiré la rectitude politique dominante ? Rectitude, inhumaine sous ses dehors compréhensifs, derrière son paravent impeccable.
C’est à toutes sortes de réflexions qu’amène la lecture de L’âge dort ? de Jean Carette, dont le but premier est de s’élever contre la marginalisation des personnes conduites, par l’âge mais de plus en plus souvent par les décisions économiques, à prendre leur retraite. Se laisseront-elles, jeunes encore ou vieilles (mais le vieillissement touche souvent qui le laisse venir),condamner à rejoindre la masse de ceux que les « actifs » considèrent « à charge », « à leur charge » ? Et cela sans reconnaître la contribution que ces « inactifs » continuent d’apporter à la collectivité, ni évidemment s’interroger sur l’injustice de la situation dont quelques-uns profitent aux dépens d’une proportion toujours plus grande de la communauté.
Ce que Jean Carette propose à tous ceux qu’on marginalise de cette façon indécente, c’est une réaction de santé. L’image qu’on leur renvoie de carences infantilisantes, handicapantes, elle est fausse, elle sert le discours actuel. Renversons donc la vapeur, brisons les barrières entre les âges, entre les générations dressées les unes contre les autres, créons des solidarités nouvelles, investissons tous les domaines. Refusons toujours d’être considérés à bout d’âge, de forces et de ressources avant le fait.
Car la retraite offre à chacun une possibilité extraordinaire de développement qu’il faut saisir à tout prix. Voici l’occasion d’atteindre enfin une liberté d’action que certains, nombreux, n’ont jamais connue, de jouir de temps, pour s’informer, réfléchir, porter son regard plus loin ; voici qu’il apparaît possible de travailler selon ses goûts et ses capacités, avec d’autres tout aussi libérés des contraintes du travail rémunéré et des responsabilités familiales accaparantes, de prendre part au débat social, de le lancer sur des pistes nouvelles.
Voilà un brasse-camarade qui renouvelle les perceptions communes de la retraite. Cet appel à l’action et surtout à la solidarité gratuite atteindra-t-il ceux, parmi les retraités nantis, qui à mon avis contreviennent justement à la solidarité sociale, quand, à l’abri du besoin, ils veulent encore monnayer leur expérience et leurs compétences, ajoutant par leur présence sur le marché du travail à la férocité de la compétition actuelle ?