De tous les cinéastes québécois, Denys Arcand est celui qui a fait paraître le plus grand nombre de transcriptions des dialogues de ses longs métrages, avec des livres consacrés à La maudite galette, Gina, Le déclin de l’empire américain, Jésus de Montréal, Les invasions barbares, et son excellent scénario de la télésérie Duplessis. En fait, il ne s’agit pas du scénario originel qui fut distribué à l’équipe avant le tournage, mais bien d’une transcription exacte des dialogues et d’une description sommaire des séquences, sans pour autant s’apparenter à un roman ou à une « novellisation ».
L’âge des ténèbres raconte la crise intérieure que traverse un Montréalais dans la quarantaine avancée qui s’interroge sur le sens de sa vie banale. Nous sommes témoins de ses contrariétés quotidiennes, mais aussi de ses rêves et même de ses fantasmes. « Un homme à la dérive », tel que le présente avec indulgence Denys Arcand dans sa brève préface ; là où d’autres observateurs insensibles diraient plutôt : « un raté ». D’ailleurs, le roman autobiographique que pourrait écrire ce personnage central s’intitulerait « Un homme sans intérêt », comme pour paraphraser le livre inachevé L’homme sans qualités de l’Autrichien Robert Musil. Tous les malaises apparents de notre civilisation y sont énumérés : routine du quotidien du banlieusard, impasse dans le couple, milieu de travail infernal, recours au speed-dating, environnement corrompu. Mais le personnage de Jean-Marc Leblanc peut toujours s’évader dans le rêve. Qu’arriverait-il s’il pouvait vraiment accomplir tous ses désirs ? C’est précisément ce que raconte L’âge des ténèbres. Du point de vue psychanalytique, ce film est intéressant car il met en scène dans certaines séquences des situations où le surmoi du personnage central est totalement aboli, où tous ses désirs deviennent possibles sans la moindre contrainte, au détriment parfois de son entourage. Toutefois, le texte ne dit pas explicitement quelles sont les séquences rêvées ou réelles.
Le livre L’âge des ténèbres ne pourra jamais remplacer les images du film (pensons aux séquences spectaculaires des combats épiques) ; il s’agit d’un complément pour y retrouver ses répliques préférées. En outre, une section de 18 photographies en couleurs évoque le tournage de ce long métrage.