Deux guerres mondiales, le communisme et puis le conflit en Slovénie, la guerre en Croatie, en Bosnie, au Kosovo, les bombardements de la Serbie, des combats à la frontière macédonienne ces derniers jours… La vie des gens qui habit(ai)ent la Yougoslavie est pleine de sang, de haine, d’humiliations. Devad Karahasan, écrivain bosniaque éxilé en Autriche, puise de l’inspiration dans cette malheureuse histoire, l’utilise pour dénoncer le comportement irrationnel si commun aux êtres humains.
Dire que c’est seulement la situation yougoslave qui inspire l’auteur serait faux pourtant, car un tiesr seulement de l’Âge de sable en parle : les deux autres tiers sont occupés par des histoires se déroulant au XVIe siècle. Ces trois récits, aux intrigues tout à fait différentes, mènent à une seule conclusion : la folie et la méchanceté humaines sont omniprésentes, ne connaissent plus de limites temporelles ou spatiales. Toutefois, malgré cette conclusion qui pourrait être qualifiée de lieu commun, l’écriture de Karahasan n’est nullement pathétique, évite les clichés qu’on rencontre souvent dans des livres écrits par des gens qui ont participé, d’une façon ou d’une autre, à une réalité ensanglantée comme l’est la réalité yougoslave.
Faruk, un des personnages principaux, est incroyablement indifférent à tout ce qui se passe dans son entourage. Azra, qui rêve de quitter la Bosnie dont » le seul avantage […] est qu’on peut quitter sans se demander où l’on va […] puisque n’importe où ailleurs, on sera mieux « , vit avec lui de très beaux moments mais exige qu’il l’abandonne, pour pouvoir retrouver sa vie. Absent, Faruk n’en devient que plus présent : à part les réflexions d’Azra qui sont toujours orientées vers lui, les deux histoires font partie d’un manuscrit qu’il a écrit et laissé à sa bien-aimée. Avant de retrouver la réalité bosniaque, l’horreur qu’inspirent les tirs dans la nuit, on assiste à un complot des cheikhs de l’empire ottoman, à une étrange et féerique histoire d’amour… ce qui fait de ce roman un livre complexe, intéressant et tout à fait prenant.