Je n’ai pas lu les fameuses Bagatelles céliniennes, et j’ignore si je les lirai un jour. Autre chose à lire. Mais le bouquin d’André Derval m’a littéralement passionné, enthousiasmé, fait pas mal réfléchir, rire aussi, jaune ou noir. C’est qu’ils écrivaient bien tous ceux (et celle : une femme seulement parmi les quelque 60 critiques) qui prirent la défense, soit de l’auteur, soit de l’œuvre, ou qui les attaquèrent au cours de cette année 1938, quand paraissait le pamphlet et qu’approchait à grandes enjambées cette guerre que vous savez. On a là réuni un éventail captivant de tout ce qui pouvait s’écrire à droite et à gauche, l’extrême de chaque pôle. On pastiche Céline ou on le cite du bout des doigts, presque toujours les trois ou quatre mêmes extraits (tirés d’une brique qui faisait ses quatre cents pages !), on observe qu’il écrit trop génialement pour s’abaisser à pareil délire : Céline voyait du Juif partout, de Montaigne à Racine, de Giraudoux à Mauriac ! Ou, au contraire, on juge sa prose et ses envolées lyrico-antisémites de mauvais goût, on le prend au sérieux (Lucien Rebatet) ou on flaire la fanfaronnade (Gide), on ressort Dreyfus et son procès, Drumont et sa France juive, Bernanos et ses Grands cimetières, Hitler et son Mein Kampf aussi. Bref, tout un climat intellectuel et politique se reconfigure au fil de ces comptes rendus, certains brefs, certains de véritables petites études (Heinz Herz, Gonzague Truc). Quel plaisir de lire la merveilleuse plume de Robert Poulet, celles des Robert Brasillach, Jacques Spitz, Victor Serge et Léon Daudet, une collection d’écrivains à découvrir ou redécouvrir, tout ça excellemment introduit et annoté par Derval. Un vrai régal, une rigolade, l’émotion ou le frisson en prime.
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