Fin décembre, peu avant le début de la fête des enfants dans un grand hôtel de Reykjavík, on découvre le père Noël poignardé dans le sous-sol de l’établissement. Pourquoi a-t-on assassiné ce brave quinquagénaire, en apparence sans histoire, qui faisait office de portier et d’homme à tout faire ? C’est ce que tenteront de découvrir l’inspecteur Erlandur et son équipe.
La victime, Gudlaugur Egilsson, dit Gulli, avait connu dans sa prime jeunesse une gloire éphémère. Doté d’une voix « céleste », il était promis à une grande carrière. Après avoir enregistré deux disques et au moment où il s’apprêtait à entreprendre une tournée dans les pays scandinaves, sa voix s’était subitement cassée. Dès lors, rejeté par sa famille et par son public, Gulli s’était fait oublier jusqu’au jour où on le retrouve dans le cagibi qui lui servait de refuge depuis vingt ans, le cœur transpercé, les pantalons baissés, une capote pendouillant au bout du pénis.
L’enquête démarre mollement. Nous sommes à la veille de Noël. Chacun aurait mieux à faire que d’enquêter sur la mort de ce pauvre type. En outre, les enquêteurs attendent le jugement du tribunal dans une affaire de mauvais traitements envers un enfant. C’est le moment que choisit la fille de l’inspecteur Erlandur pour venir reprocher à son père de l’avoir abandonnée. Le meurtre de l’ancien enfant prodige réveillera également chez Erlandur le souvenir d’une vieille blessure liée à la disparition de son jeune frère. Ces histoires s’entremêlent à celle de la victime et finissent par créer un émouvant chant choral sur le thème de l’enfance brisée.
Même si Arnaldur Indridason maîtrise parfaitement l’art du roman policier, ce qui captive le plus dans ce polar atypique, c’est moins le mystère qui entoure la mort de Gulli ou l’identité de son assassin que la compassion avec laquelle l’auteur rend compte des souffrances et des naufrages de l’enfance. Ici la tension que l’on retrouve dans la plupart des ouvrages du même genre cède la place à une mélancolie qui s’installe au fil des pages. Un très bon polar.