Pour certains, le nom d’Éva Senécal évoque peu de choses, si ce n’est une bibliothèque municipale sise à Sherbrooke. Pourtant, cette femme née en 1905 à La Patrie, dans les Cantons-de-l’Est, a consacré sa vie à l’écriture. Collaboratrice de plusieurs journaux et revues, dont La Tribune, Le Soleil et La Revue moderne, Éva Senécal est aussi l’auteure de deux recueils de poésie (Un peu d’angoisse un peu de fièvre, 1927, et La course dans l’aurore, 1929) et de deux romans (Dans les ombres, 1931, et Mon Jacques, 1933). Ses œuvres, produites au tout début de sa carrière, lui ont valu le respect et l’admiration de ses pairs : l’écrivaine a notamment reçu le Prix d’Action intellectuelle de l’Action catholique de la jeunesse canadienne en 1929 pour sa poésie, et le Prix Albert-Lévesque en 1931 pour son premier roman. Membre du mouvement littéraire des Cantons-de-l’Est, foyer intellectuel très actif à l’époque, Éva Senécal était liée à Alfred Desrochers. Véritable mentor, le poète a entretenu avec elle une longue relation épistolaire, dont certains extraits de lettres nous sont révélés dans la biographie préparée par l’écrivaine estrienne Françoise Hamel-Beaudoin.
« Poète toute d’élan et de flamme », comme l’a écrit Louis Dantin, Éva Senécal aurait eu une vie sentimentale troublée et décevante, ce qui aurait grandement teinté ses écrits et son parcours, selon Françoise Hamel-Beaudoin. Taxée d’immoralité parce qu’elle suggérait la possibilité de liaisons adultères, l’œuvre littéraire aurait souffert des maux d’amour de son auteure, qui se serait exilée à Montréal puis à Ottawa pour fuir ses peines et assurer son indépendance financière (en agissant essentiellement comme rédactrice et traductrice au sein de la fonction publique fédérale).
D’un intérêt indéniable, La vie d’Éva Senécal est une biographie sensible, dotée d’une dimension interprétative. Françoise Hamel-Beaudoin ponctue son récit de nombreux extraits de l’œuvre de Senécal, cherchant dans les textes de cette dernière les échos de ses états d’âme. Si la biographe insiste beaucoup sur les peines tant physiques que morales de l’écrivaine, son essai demeure un ouvrage captivant, qui brosse le tableau d’une époque et qui nous fait découvrir Éva Senécal, une femme non-conformiste dont la carrière littéraire fut brève mais significative.