Montréalaise d’adoption, la Géorgienne Elena Botchorichvili demeure attachée à la langue russe, sa langue d’écriture. Avant de s’installer au Québec, elle a en effet pratiqué le journalisme sportif ‘ socialiste et communiste ‘ en Russie.
Ses romans sont-ils de longues nouvelles ou de courts romans ? Peu importe, à vrai dire. Botchorichvili écrit des histoires denses et échevelées, avec des personnages forts, souvent irrévérencieux. Ils sont toujours au centre de ce monde mystérieux qu’était l’Union soviétique (URSS), dont les vingt ans de la disparition en 1991 seront célébrés cette année. « J’ai vécu la mort [de l’Union soviétique] comme celle d’un être aimé qui a terriblement souffert. »
Dans La tête de mon père, le narrateur ‘ mâle ‘ écrit à son fils en vacances en Géorgie, pour lui raconter des histoires de famille, dont la carrière d’actrice de sa mère, la reconstruction de la datcha de son père et la mort de celui-ci. Le lecteur se promène alors dans le pays d’est en ouest. « Mon père avait démonté, rondin après rondin, sa maison natale au bord de la mer. » La datcha est alors transportée près de Gori, lieu de naissance du dictateur Staline, dont la statue n’a été déboulonnée qu’en 2010. Il faut se souvenir de la guerre de 2008 entre la Géorgie et sa province d’Ossétie du Sud, sous protection russe, pour comprendre le climat de tension qui prévalait et prévaut encore.
La maison familiale était auparavant érigée sur le bord de la mer Noire, à deux pas de la frontière russe. À Gagry ‘ ou Gagra. Là où le même Staline y avait sa plus belle villa. Là où a eu lieu en 1992 la guerre entre la Géorgie et sa province d’Abkhazie. Forte de l’appui de la Russie, l’Abkhazie autoproclama en 2008 son indépendance, non reconnue à ce jour par la communauté internationale. Là où la mort rodait. « J’ignore comment mon père a péri et pourquoi il n’est resté que sa tête. » Une courte et terrible histoire.