On a affaire ici à un essai post 11 septembre, une tentative d’expliquer la guerre au terrorisme de George « Dubbya » Bush. Jean Forest cherche à démonter la propagande des États-Unis qui se disent assiégés par des hordes de terroristes arabes, pour démontrer que c’est l’Occident en fait qui est à l’origine de la Terreur.
L’histoire commence avec Adam et Ève, chassés de l’Eden à cause de leur désobéissance. Elle se poursuit avec Moïse qui, par obéissance, n’hésite pas à donner son fils en sacrifice. Puis la mort de Jésus, attribuée aux juifs, est l’occasion de les persécuter. Augustin suit, à l’origine de la haine du corps, du sexe et des femmes. S’ensuivent des siècles de bûchers, où seront brûlés successivement juifs, hérétiques, sarrasins, sorcières, culminant avec la Sainte Inquisition et sa compagne la torture.
Au XVIe siècle vient la réforme. Luther, Calvin et Henri VIII sont tour à tour victimes, puis causes de la terreur. Les massacres suivent en Angleterre, en France, en Allemagne. Tout cela nous amène à la Révolution, puis à la Restauration, qui seront d’autres occasions de tueries de masse. Ces derniers épisodes ne font que mettre la table à l’extermination de masse du XXe siècle, la Shoah, une entreprise moderne de purification ethnique et d’élimination de l’Autre.
Et, de fait, de saint Paul à la Sainte Inquisition, la tradition occidentale est truffée d’autodafés, de tortures, de destructions, de tueries. L’auteur ne nous épargne rien, il en dresse la liste qui, sans être exhaustive – impossible de prétendre à l’exhaustivité quand on fait le répertoire de l’horreur -, n’en est pas moins impressionnante.
Sous-jacente à l’énumération de l’horreur figure, dans l’esprit de Forest, la théorie freudienne énoncée dans son célèbre essai Totem et tabou. La terreur prendrait son origine aux aurores de l’humanité, alors que les premiers humains instauraient le tabou de l’inceste. C’est bien vrai qu’il existe des racines psychologiques à la peur de l’Autre et à l’instauration concomitante de la terreur. Cependant, conférer le monopole de la terreur à l’Occident, en plus de constituer un raccourci, faisant abstraction des tueries de masse arméniennes, chinoises, cambodgiennes et rwandaises, occulte les aspects politiques, militaires, économiques, les causes prenant racine dans l’intérêt et l’histoire des peuples. Comment Jean Forest peut-il ignorer Hannah Arendt par exemple qui a pensé la terreur, si caractéristique du XXe siècle, d’une manière historique, philosophique et politique. Son essai est appréciable en tant que litanie, mais constitue une bien courte explication.