La question du Québec, c’est bien sûr : « What does Québec want ? » C’est aussi un livre de circonstance écrit par Marcel Rioux à l’intention des Français en 1969 (paru chez Seghers), repris chez Parti Pris en 1976 puis à l’Hexagone en 1987. Il a véritablement acquis le statut de classique québécois au fil des ans et des rééditions, en même temps que se sont ajoutés des chapitres sur les événements d’octobre et l’élection du Parti québécois.
Ce livre est essentiellement un plaidoyer pour la survie de la culture québécoise, Rioux précisant que, « avant d’être un ensemble d’institutions et de pratiques manifestes, une culture est un ensemble de structures mentales et affectives dont les divers groupes et classes d’une société sont porteurs ; certaines sont communes à l’ensemble, d’autres sont particulières aux divers groupes de la société ».
Ce plaidoyer a, à la fois, très mal et très bien vieilli. S’il est devenu un classique, l’ouvrage a également acquis le statut de document des années 1960. Marcel Rioux, grand érudit et homme engagé, y défend la cause d’un Québec indépendant et autogestionnaire. Dans ce livre écrit avant l’adoption au Québec de la Loi 101, avant que la Révolution tranquille n’accouche du Québec inc., Rioux s’inquiète de l’avenir de la langue française et met de l’avant un projet de société original. Si l’objectif est encore d’actualité, plusieurs arguments datent. Les anglophones de Montréal ne sont plus des Britanniques. Classes sociales et groupes ethniques ne sont plus aussi étroitement liés que dans les années 1950 et 1960, tant parce que la situation des francophones du Québec s’est améliorée qu’à cause de l’arrivée de nouveaux immigrants. Les premiers ministres qui ont succédé à Pierre Elliott Trudeau ne lui furent semblables ni dans le style ni dans les références intellectuelles.
Le livre nous fait également prendre conscience des progrès de l’historiographie québécoise. Marcel Rioux, sociologue, pour raconter l’histoire du Québec, s’appuie sur les travaux des historiens ; or, plusieurs interprétations qui faisaient école dans les années 1960 ont été fortement nuancées dans les années subséquentes. Et pourtant. La générosité de son approche ne laisse pas indifférent et sa démarche générale tient le cap.
Le chapitre écrit à chaud peu après les événements d’octobre est parmi ceux qui ont le moins vieilli : le sociologue fait alors œuvre originale, nous fournissant de nombreux éléments de contexte pour comprendre l’atmosphère et les enjeux de cette crise ; de même le tout dernier texte qui esquisse ce vers quoi devrait tendre un Québec indépendant, question à laquelle trop peu offrent actuellement des réponses. À la lecture de La question du Québec, il appert que si la question n’est plus formulée exactement comme le faisait Marcel Rioux, elle demeure irrésolue.