Ce premier roman a déjà valu à son auteure un concert d’éloges, notamment de Pierre Foglia, qui trouvait les deux protagonistes « a-do-ra-bles ». Par sa facture et son propos, La petite et le vieux risque bien de s’attirer un large lectorat.
Comme L’attrape-cœur, Zazie dans le métro et La vie devant soi – trois romans avec lesquels la parenté symbolique du livre est évidente –, La petite et le vieux promène, sur l’existence quotidienne, le regard d’un narrateur enfant. La romancière nous transporte à Limoilou (son quartier natal) au début des années 1980. À l’époque, une horde de patients de l’asile Saint-Michel-Archange ont obtenu leur « congé », et cette désinstitutionnalisation massive a inspiré à la romancière une faune de personnages tous plus colorés les uns que les autres. La plus touchante est peut-être Jacinthe, alias « Marie-Madeleine ». Sa vie, à la petite semaine, consiste à aller sans cesse se procurer du café au dépanneur de Monsieur Papillon, sans jamais parler à quiconque.
La petite, c’est Hélène, la narratrice du récit, qui préfère se faire appeler « Joe », émulant ainsi son héroïne de dessins animés préférée, Lady Oscar. Comme elle, Joe est résolue à devenir une femme qui joue à l’homme. Le roman relate l’émouvant parcours de sa « féminité récalcitrante ». Le vieux, quant à lui, c’est Monsieur Roger. Vieux schnoque au cœur d’or, il passe son temps à attendre la mort, à boire de la bière et, mine de rien, à veiller sur Joe.
La grande richesse du livre de Marie-Renée Lavoie tient à l’intensité des relations entre Joe et ses trois sœurs, sa mère – qui ponctue ses phrases d’autoritaires : « Cé toute ! » –, son père – un discret naufragé de la vie’, ainsi que Monsieur Roger, à qui la fillette refile une édition écornée du Vieil homme et la mer. Récit des initiations mutuelles, ce roman, on l’aura compris, est un vibrant hymne à la littérature, à la vie et aux gagne-petit.