Patrick Modiano, le bien nommé « homme du cadastre » par le critique Jean-Louis Enzine, nous livre son dernier roman où le personnage-narrateur élabore, avec une extrême précision topographique, ses déambulations dans Paris. Rive droite. La mère. Devrait venir en annexe du roman un plan de Paris… Le récit commence lorsque la narratrice croit apercevoir, à travers la foule, attendant le métro, sa mère, qu’elle n’a plus revue depuis des années. Sa mère qui l’a abandonnée. C’est elle, cette inconnue présumée mère, que suit la narratrice dans Paris : « Mais maintenant que je croyais que ma mère n’était pas morte, je ne savais plus quel chemin prendre […] j’avais tourné en rond [dans Paris] et j’étais revenue au point de départ. La gare était un aimant et elle m’attirait, et c’était un signe du destin. » Un aimant. Un amant. Amour que la narratrice, qui croit n’en avoir jamais reçu de ses parents, aimerait bien trouver au coin d’une rue. Mais cet amour, si elle espère encore le rencontrer, il sera précisément dans une gare : lieu des départs Au mieux, elle le côtoiera auprès de voyageurs : chez une infirmière qui devient mère de passage, ou ailleurs. On sait que pour Patrick Modiano, la rêverie est possible à partir de détails précis, très précis. On le sait mais c’est toujours étonnant de le voir inscrire une détermination toute topographique, véritable transcendant de l’ordre du mystère, de l’énigme, au principe d’un parcours, d’une déambulation (tant géographique qu’existentielle). Le destin, le besoin du destin, d’une destinée, d’une route à suivre, pour atténuer les angoisses du narrateur modianien, pour calmer ses inquiétudes, ses insécurités. « J’avais l’impression de marcher sur les pas de », cette phrase est de tous les ouvrages de Patrick Modiano. On la retrouve aussi dans La petite bijou, livre déjà lu, pour tout dire (à cette variante que cette fois, l’univers est presque exclusivement féminin ‘ les dédicaces, les personnages, la narratrice, etc.). Les phrases courtes et simples, la césure entre hier et aujourd’hui, les noms propres des personnages qui changent constamment, qui deviennent des surnoms, multipliant les perspectives, les identités, brouillant les pistes, etc. Avec cet ouvrage, Patrick Modiano perd en subtilité. Il faut être fasciné par ces univers du mystère, de l’obsession, de l’insécurité (du narrateur), et chercher à les comprendre, pour aimer encore lire du Modiano. Et découvrir constamment l’extrême cohérence de cette œuvre, s’en étonner toujours davantage, tient du miracle : un bonheur de lecture qui se transforme en une imperturbable réflexion, sur l’œuvre de Patrick Modiano, sur le roman, la littérature, l’histoire, etc. Bref, la vie !
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