Bernard Émond est de ceux et celles qui tiennent le coup dans les périodes de transit dangereux que sont les passages d’une manière d’être dans le monde à une autre. Il est de ceux et celles qui résistent à la tentation de la table rase, conscients de la nécessité des repères pour aller de l’avant, sans se perdre. Il est de ceux et celles qui refusent de jeter aux oubliettes la culture fondatrice de leur identité, indissociablement liée à leur histoire personnelle et nationale. Il est de ceux et celles qui regardent le monde et pensent la vie humaine à partir de ce tout qu’ils sont et, à la fois, de leurs exigences de dépassement.
C’est ce qui ressort des entretiens de Bernard Émond avec son ami, le cinéaste Simon Galiero, sur le cinéma, la culture et la société, consignés dans La perte et le lien.
Propos axés sur la conscience et la démonstration de la fragilité des cultures, en ce moment de l’histoire humaine où elles sont menacées par les innombrables tentatives d’uniformisation, menées par les forces conjuguées du marché, de l’atomisation sociale et des techniques de la communication. Propos qui mettent en lumière tout ce qui agit pour dégrader les lieux, le cinéma par exemple, où peuvent apparaître une conscience de soi et une détermination à l’affirmer.
Il ressort de La perte et le lien que la démarche d’Émond, bien au-delà de son attachement à notre passé catholique, comme on s’est plu à le sur-souligner, se fonde sur l’ensemble des valeurs de la culture canadienne-française dont il assume entièrement l’héritage, aussi bien le pire que le meilleur, les résignations mortifères que les vigoureuses résistances. Tout son propos montre à l’évidence qu’il est conscient de l’apport essentiel de celle-ci à sa conception de l’art, comme voie d’accès à la vérité des êtres. Il sait que pour l’atteindre, il faut avoir une pensée. Et chez lui, comme chez tous les créateurs, cette pensée qui structure sa vision du monde trouve sa source dans l’éducation reçue dans sa jeunesse, avec laquelle il a nécessairement rompu, avant de la réintégrer en lui apportant une nouvelle dimension.
Ainsi, Émond ne préconise pas « un retour à ». Ses films sont des œuvres sur aujourd’hui. Comme toute œuvre d’art, chacun s’enracine dans le passé et se projette sur l’avenir. Émond est un artiste qui, à ses risques et périls, fait un pari sur le temps, plutôt que sur l’éphémère.
La perte et le lien nous fait découvrir la beauté d’un homme authentique et généreux qui puise dans son amour inconditionnel de l’être québécois sa puissance de création d’une œuvre universelle.