Eugène Green est un écrivain, cinéaste et metteur en scène d’origine américaine installé en France depuis de nombreuses années. À la tête du Théâtre de la Sapience, qu’il a créé il y a vingt ans, il n’a cessé d’œuvrer à une connaissance et une compréhension meilleures de l’époque baroque.
Alors que l’humanisme considère que l’être humain forme un microcosme, une réplique en plus petit de l’harmonie du monde, l’homme baroque conçoit l’esprit comme une force autonome, douée de sa propre existence, prenant le monde comme objet d’étude. Aussi, en même temps qu’il élabore une représentation de l’univers qui exclut Dieu, l’individu du XVIIe siècle s’emploie activement à rendre apparent ce Dieu caché. Ce paradoxe, qu’Eugène Green nomme l’« oxymore tragique », apparaît essentiel pour comprendre la pensée et le rapport au monde qu’entretiennent les artistes et les philosophes du Grand Siècle.
Eugène Green précise que la parole constitue un élément déterminant, à cette époque, car elle est le fondement de la construction du monde moderne et, dans le même temps, le lieu de référence pour révéler le Dieu caché. Comme le cœur du paradoxe baroque réside dans l’art de la déclamation, l’auteur s’intéresse plus particulièrement à trois éléments capitaux de la rhétorique propre à cette époque : la prononciation, le rythme et l’énonciation. L’analyse, aux accents volontiers polémiques, révèle à quel point les techniques déclamatoires participent de l’effet esthétique. Un disque compact, joint au livre, nous permet d’entendre ce qu’Eugène Green décrit dans sa captivante étude. L’écoute est pour le moins déconcertante et nous amène à lire autrement les grands textes « classiques » de la littérature française.